A Nanterre, la production pour tous

A Nanterre, la production pour tous

Offrir à tous l’accès aux connaissances et aux moyens de production de l’industrie. Voilà ce que des groupes de passionnés tentent en développant des mini-usines, baptisées Fab Labs. Reportage dans la plus industrielle d’entre elles, l’Electrolab.

Nanterre (Hauts-de-Seine), en pleine zone industrielle. Un lampadaire vacillant plonge par intermittence la rue dans le noir. La porte métallique d’un immeuble de bureaux mène à un sous-sol où les tuyaux sont apparents et les canapés défoncés. On pense se trouver dans un polar de série B mais, d’un coup, on bascule dans la science-fiction. Pêle-mêle des robots high-tech côtoient des oscilloscopes datant de la Seconde Guerre mondiale et une machine de fabrication de circuits imprimés récupérée en Allemagne. « Bienvenue dans l’Electrolab, un hackerspace de passionnés de la mécanique, de la chimie et de l’électronique », nous lance Samuel Lesueur, le président de l’association, qui gère le lieu.

Les Hackerspaces ou Fab Labs, ce sont ces laboratoires de fabrication de software ou hardware d’un genre nouveau qui commencent à faire leur apparition en France. Le concept vient tout droit du Massuchussets Institute of technology (MIT). Leur but : permettre à chacun de se réapproprier les moyens de production en général réservés à l’industrie. « Nous cherchons à faire de la technologie accessible à tous », précise Samuel Lesueur, derrière ses lunettes ovales. Mais l’originalité de l’Electrolab est de privilégier la production chimique, mécanique et électronique. « Nous utilisons des machines-outils. Il faut être très prudent et notre priorité reste la sécurité », précise-t-il. Electrolab est d’ailleurs le premier le premier Fab Lab français à avoir décroché le statut d’association et à posséder une assurance, effective depuis le 27 janvier 2011.

Ici, moyens et idées sont mis en commun afin de produire sans brider sa créativité. Près d’une trentaine de Géo-trouve-tout s’agitent autour de machines sophistiquées quoiqu’un peu anciennes. Ingénieurs le jour, les voilà inventeurs la nuit. « Nous avons les mêmes moyens de production qu’à notre travail. Nos limites sont celles notre imagination. Nous travaillons sans contrainte de rentabilité. Nous pouvons produire ce que les grands industriels ne développent pas », explique Clément, ingénieur dans une PMI spécialisée dans les véhicules électriques. La preuve tient dans ses mains. Réalisé pour l’association Handibot, un robot composé de trois moteurs, d’un pinceau et de trois pots de couleurs primaires permet à des handicapés moteurs de peindre à l’aide d’une télécommande ultrasensible. C’est une première ! « Pour justifier le développement de ce genre de robots, il n’y a pas un marché assez vaste industriellement parlant. Nous, nous l’avons conçu et le mettons à disposition de tous, sous licence Creative Common, les plans de montages nécessaires à sa fabrication », se réjouit-il. Les plans des robots et autres process de fabrication sont téléchargeables sur le Wiki de l’Electrolab.

« C’est une autre façon de produire », complète Valentin, l’un des cofondateurs de l’association. Il est aussi le concepteur d’un vélo électrique allant à 40 km/heure en deux secondes, par simple pression sur une gâchette à côté du frein. Il s’enflamme : « Le recyclage est un cache-misère. Nous pouvons faire mieux : réparer, récupérer, améliorer ! » Et Valentin sait de quoi il parle. Il est le fondateur de plusieurs PMI, dont l’une dans la mobilité électrique. « Nous sommes un laboratoire d’initiative populaire », s’enthousiasme Yannick Avelino, ingénieur télécoms, quand il lève sa tête de son amplificateur électronique. Comme dans les salons politiques des Lumières, le but est de partager des connaissances détenues par une minorité et de les rendre accessibles à tous.

Mais le foisonnement des bonnes idées côtoie la bonne chère. La bande de chercheurs-ingénieurs du soir s’arrête un moment pour partager bières et poulet au curry. Moins d’effervescence en apparence mais la trentaine de passionnés continuent à cogiter. À table, les projets tournent. « On va faire un label Electrolab. » Les propositions fusent. « Et si on faisait une autre voiture électrique. » Et un autre, entre deux bouchées, se met à rêver : « Si ça se trouve on va inventer le Linux de la mécanique, ici même. »


A retrouver dans le magazine L’Usine Nouvelle du 10 février 2011

 

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