Bâtir un patrimoine brique par brique

Bâtir un patrimoine brique par brique

L’Express, no. 3788 – Patrimoine, jeudi 8 février 2024 677 mots, p. 52

L’immobilier fractionné permet d’investir dans la pierre à partir de 100 euros. Un placement prometteur, à condition d’être vigilant.grum

Investir dans les murs du restaurant Les Enfants rouges, à Montpellier, à deux pas de la place Castellane, avec un rendement locatif de 6,5 % net de frais… dès 100 euros seulement : voici ce que propose actuellement Tantiem, une jeune fintech. Concrètement, vous pouvez financer l’achat de ce bien sous forme d’obligations, des titres de créances qui vous donnent le droit de percevoir une quote-part des loyers. A l’échéance, au moment de la revente, vous êtes supposé retrouver votre capital, voire réaliser une plus-value. Ce type d’investissement s’appelle de l’immobilier fractionné. Il vise des actifs très rentables, comme des locaux commerciaux ou des immeubles entiers. Et il s’ouvre aux particuliers via de nouveaux acteurs en ligne : Blocshare, Bloks, Bricks, Meute Invest, Oben, Streal…

L’immobilier fractionné vous permet de constituer votre propre portefeuille, en sélectionnant les biens de votre choix parmi ceux proposés à l’investissement pour quelques centaines d’euros à chaque fois. Mais ces derniers restent la propriété d’une filiale de la plateforme, qui les gère pour vous. « Le ticket moyen de nos investisseurs est de 1 300 euros par dossier et 45 % d’entre eux avaient déjà misé sur un autre projet », explique Clément Renault, dirigeant de Meute Invest. Une fois les fonds levés, l’achat se fait comptant. Dans un contexte de recul des crédits immobiliers, cette singularité offre une marge de négociation forte à l’achat.

Dans la plupart des opérations, les rendements annuels cibles sont compris entre 4 et 8 % net de frais pendant huit à dix ans, jusqu’à la revente. « Nous cherchons des niveaux plus élevés que les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), avec des perles rares inaccessibles au grand public », explique Louis Dutheil, cofondateur de Streal, qui mise sur l’hébergement hôtelier de courte durée à Paris. Vous bénéficiez en outre de deux avantages fiscaux. Déjà, vous êtes imposés à la flat tax de 30 %, contrairement aux revenus fonciers taxables au barème progressif. En outre, la valeur de cet immobilier n’est pas comprise dans l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Attractif, ce nouveau type d’investissement doit tout de même être manié avec précaution. « Déjà, il vous faudra déjouer les arnaques, estime Thomas Penet, cofondateur de Tantiem. Pour cela, vérifiez que la plateforme est domiciliée en France, que vous bénéficiez d’une hypothèque de premier rang avec la possibilité de saisir le bien en cas de défaut de paiement pour limiter les dégâts et, bien sûr, étudiez les documents fournis sur l’investissement auquel vous consentez. » A ce titre, l’Autorité des marchés financiers a mis en garde le public « contre certaines plateformes proposant d’investir sous forme de royalties », qui n’offrent pas les mêmes garanties juridiques à l’épargnant.

Une fois ce travail effectué, gardez à l’esprit que les rendements affichés par les plateformes sont indicatifs et qu’aucune garantie n’est fournie en cas de vacance : vous êtes seul à endosser ce risque. « Il est alors essentiel de vérifier la qualité de l’équipe dirigeante et de celle en charge du repérage des biens », estime Lauren Dannay, cofondatrice de Bloks. Faute d’historique dans ce nouveau secteur, cet examen n’est pas aisé. Enfin, les différents acteurs ne se sont pas encore accordés sur la manière de calculer les rendements et les commissions prélevées à l’entrée, et pour la gestion. Chacun procède à sa manière, rendant la comparaison des offres ardue, pour ne pas dire impossible.

Par ailleurs, vous vous engagez sur une longue période. Si vous avez besoin de récupérer votre argent avant, il vous faudra trouver un acquéreur par vous-même et consentir une sérieuse décote. Si vous pouvez patienter, vous pouvez espérer une valorisation du bien. Mais, pour être gagnant, celle-ci devra être conséquente. En effet, les frais d’entrée incluent les frais de notaires mais aussi les commissions des plateformes qui représentent parfois jusqu’à 10 % de la valeur totale du projet. Enfin, il ne faut pas négliger le risque que, pendant la durée du projet, certaines de ces start-up disparaissent purement et simplement.

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