Les entreprises redoublent de vigilance sur les créances client
La montée des défaillances suscite de nouvelles pratiques de prudence chez les responsables du crédit interentreprises.
Face à une conjoncture assombrie, les entreprises doivent composer entre la prospection commerciale et le contrôle de leur trésorerie. Elles portent une attention particulière au crédit interentreprises. « Nous sentons que les financiers nous sollicitent beaucoup en ce moment, par mesure de vigilance, mais aussi parce qu’ils ont une vraie volonté d’aller chercher la croissance, de prospecter, de fidéliser », témoigne Christophe Cherry, directeur France d’Atradius.
Or le risque de crédit sur les entreprises connaît bien des signes de faiblesse, entre la fin du «quoi qu’il en coûte», l’inflation, les difficultés de recrutement… Certains clients peuvent se retrouver rapidement en incapacité de payer. Selon la récente étude du cabinet Altares de juillet, les défaillances, entre avril et juin 2023, sont en hausse de 35% par rapport à la même période en 2022. « Entre la contraction des marges et la demande des consommateurs qui se rétracte, un effet ciseau se fait sentir sur la trésorerie, analyse Laurent Treilhes, président du comité exécutif d’Allianz Trade en France. La vigilance est de mise.»
Creuser la connaissance client
Pour surveiller les risques par elles-mêmes, les entreprises commencent par distinguer les risques selon les secteurs, certains étant particulièrement touchés. « La réorganisation de la chaîne automobile, à la suite des décisions publiques enterrant les moteurs diesel puis à essence, impacte fortement les petits sous-traitants locaux qui peinent à s’adapter, note Me Bertrand Biette, associé en charge du pôle restructuring du cabinet Jeantet. Le secteur de la vente au détail est également en difficulté avec des changements d’habitude de consommation, des difficultés de recrutement et une hausse des frais.»
Mais, le secteur qui alerte le plus est bien celui du BTP. Avec la hausse des taux, les particuliers ont repoussé leur projet immobilier et le marché est à l’arrêt. Résultat, pour Atradius, le secteur de la construction représente 40% des revenus et 60% des impayés. L’hébergement et la restauration, mais aussi l’industrie sont suivis de près par les credit managers et financiers.
Besoin d’information
En outre, les credit managers cherchent à cerner leurs risques un à un, en s’informant par tous moyens. «L’auto-assurance, les garanties, l’accès à des bases de données, les enquêtes de solvabilité sont autant de leviers à notre disposition, rappelle Nicolas Flouriou, président de l’Association française des credit managers et conseils (AFDCC). De plus, nous sommes avides d’informations pour affiner nos analyses.»
Rien de tel, pour se faire une idée du paiement de ses futures factures, que de s’adresser directement à son partenaire commercial pour connaître sa situation financière. «Notre premier rôle est de communiquer : il faut demander des bilans, poser des questions… et ensuite trouver des solutions», résume Nicolas Flouriou. Par exemple, les petites entreprises ne communiquent pas forcément sur les Prêts Garantis par l’Etat qu’elles ont contractés. « Or, nous souhaitons savoir si elles les ont utilisés en tout ou partie, poursuit-il. Les absences de réponses ou la manière d’éluder nos questions en dit souvent long, sur le sujet.» Parfois, il y a aussi de bonnes surprises à découvrir, sur lesquelles les clients ne pensent pas à communiquer. « Certaines filiales de grands groupes ont de très longs délais de paiement… qui concernent en réalité des factures internes au groupe», explique le spécialiste du risque-crédit.
Gradation des mesures
En cas de doute, les financiers disposent ensuite d’une série de mesures sur lesquelles ils peuvent s’appuyer progressivement : une demande de garantie bancaire, une garantie de la maison mère, un dépôt de cash, un délai de paiement raccourci, un paiement comptant ou des commandes échelonnées… Tout est possible et tout est à négocier.
Les assureurs sur le pont
L’assurance-crédit représente, bien sûr, une solution confortable pour se prémunir contre la montée des risques et ses grands acteurs se veulent solidaires des entreprises. « Même si nous sommes au niveau d’avant-Covid en termes d’impayés, nous analysons les dossiers au cas par cas, pour nous adapter aux besoins réels de nos clients et nous conservons un niveau élevé de couverture», rassure Christophe Cherry. « Globalement, nos couvertures continuent d’augmenter », renchérit Laurent Treilhes. Les taux d’acceptation d’encours des deux assureurs demeurent ainsi à un niveau haut, proche des 80%.