Florence Louppe, HDI France : «Le changement climatique pèse lourd dans la charge sinistre»

Florence Louppe, HDI France : «Le changement climatique pèse lourd dans la charge sinistre»

L’assureur grands risques HDI Global France et Carbone 4, cabinet de conseil spécialisé dans la stratégie de bas carbone et l’adaptation au changement climatique, ont lancé avec l’Ademe, Bureau Veritas et la CCI Grand Est, un nouvel outil permettant aux entreprises d’analyser leur vulnérabilité face au changement climatique. Explications avec ceux qui se sont impliqués dans sa genèse. 

Comment est née l’envie de travailler un référentiel de résilience climatique ?

Raphaël Papin, responsable du projet Carbone 4 chez HDI Global SE France : Je suis ingénieur prévention, un des huit chez HDI Global France et 150 au niveau mondial. Sensibilisé depuis des années au sujet du climat, j’ai constaté un décalage entre notre travail et l’enjeu du dérèglement climatique. Notre questionnement au moment de rencontrer les entreprises perdait de la pertinence à mesure que les catastrophes naturelles se multiplient dans le monde et sortent de tout cadre connu. Nous savons chez HDI Global France, que ce n’est malheureusement que le début.

Florence Louppe, directrice générale de HDI Global SE France : En effet, l’accélération du changement climatique est désormais une réalité qui pèse lourd dans la charge sinistre, et nous touchons du doigt les limites des modélisations Cat Nat existantes. La vague de froid au Texas en début d’année est un bon d’exemple de scénario non modélisé. Clairement, un tel évènement climatique et toutes ses conséquences en chaîne est encore largement sous-estimé dans nos analyses de risques. C’est pourtant l’évènement le plus couteux pour HDI France cette année. Pour progresser dans l’analyse, il va falloir innover.

Raphael Papin – Les industriels ont conscience qu’ils ignorent d’où la menace peut survenir. Nous-mêmes, nous apprenons encore sur le terrain, de manière empirique. Et nous commençons tout juste à identifier des points sous-investis comme le stress-thermique et le stress hydraulique. Par exemple, nous proposons des diagnostics sur l’impact de 45 à 50 degrés en région parisienne sur les équipements de nos clients. Mais, ce n’est pas suffisant. Il y a un décalage entre son accélération et notre courbe d’apprentissage. C’est pour cela que j’ai contacté Carbone 4. Nous pouvons leur apporter notre connaissance du terrain mais nous avons besoin de leur expertise pour anticiper et prendre la mesure de l’accélération du changement climatique.

Pourquoi Carbone 4, historiquement connu pour sa méthodologie sur la décarbonation, était le bon interlocuteur ?

Violaine Lepousez, responsable du pôle adaptation et résilience chez Carbone 4 : En effet, nous avons développé depuis plus de 14 ans des méthodologies destinées à aider les entreprises dans leur décarbonation (dont le bilan carbone, créé par Jean-Marc Jancovici). Mais, depuis 7 ans, nous avons aussi constaté qu’à l’échelle de la planète, nous n’avons pas réussi à réduire nos émissions carbone à temps. Le changement climatique demande désormais une action bien plus vaste et bien plus vive. C’est pourquoi, nous avons élargi notre réflexion.

Nous avons donc travaillé sur Ocara, le référentiel d’analyse de la résilience des entreprises aux impacts du changement climatique. Le principe est de combiner deux types d’informations : des données publiques sur le climat comme celles du GIEC et des informations de terrain sur la vulnérabilité de l’entreprise, c’est-à-dire la manière dont elles peuvent être impactées. C’est ce deuxième type de données qui fait défaut, et pour lequel nous avons souhaité construire un cadre d’analyse. Avec HDI Global France, mais aussi la CCI Grand EstBureau Veritas et les entreprises béta-testeuses (Atalu, Arthur Metz, Jus de Fruits d’Alsace, Lacoste, Lucart, Poeppelmann, Saint Gobain, Séché et Siemens), nous avons pu aboutir à un outil à la fois complet et accessible. HDI Global France nous a notamment aidé à trouver un niveau de granularité adapté au terrain et aux entreprises.

Comment portez-vous cet outil sur le terrain et quel est l’objectif ?

Violaine Lepousez : Nous avons simplifié Ocara pour le rendre abordable, tout en conservant le maximum d’éléments pour favoriser la prise de conscience et l’amorce du changement.  Nous avons pu l’observer auprès des entreprises béta-testeuses qui ont qualifié des risques dont ils avaient conscience mais aussi découvert des menaces insoupçonnées.

Raphaël Papin : Aujourd’hui, dans notre travail, notre rapport de prévention classique couvre 25 % du scope d’Ocara. Prochainement, nous devrions être capables d’arriver à 50 %. Cela signifie que lors d’un accompagnement classique de prévention des entreprises clientes, elles auront déjà amorcé la moitié de ce travail de diagnostic. Ensuite, nous recommandons bien évidement de poursuivre la démarche d’Ocara.

Florence Louppe : Nous intégrons progressivement cette dimension résilience climatique dans notre analyse de risques. Ocara va nous faire d’autant plus progresser que sa méthode d’analyse ne porte pas seulement sur un site de production ou un industriel, mais étudie ces derniers comme le centre de plusieurs cercles concentriques prenant en compte ses clients, ses fournisseurs, les entreprises voisines …Ocara est aujourd’hui le seul référentiel de vulnérabilité face aux impacts du changement climatique. Rêvons que demain ce diagnostic sera un nouveau must-have pour une entreprise, directement connecté à son plan de prévention. Cela pourrait devenir un pilier central pour faire la preuve de sa résilience auprès de ses actionnaires. Beaucoup de directeurs financiers nous sollicitent déjà en ce sens.

Violaine Lepousez :Ocara pourrait devenir une nouvelle norme. Nous collaborons avec les instances internationales comme l’Afnor et ISO, pour que cela le devienne.