Les points à négocier avant de s’expatrier

Les points à négocier avant de s’expatrier

Si le passage à l’étranger constitue un atout, voire un passage obligé, pour le financier qui souhaite faire carrière au sein d’une grande entreprise, l’exercice doit être préparé avec attention. En effet, de nombreux éléments doivent être pris en compte, comme la fiscalité ou les prestations sociales du pays de destination afin de négocier son package de rémunération en conséquence.

Partir à l’étranger peut représenter une opportunité de carrière pour un financier, qui a ainsi la possibilité d’être plus proche du terrain, d’avoir accès à des responsabilités plus importantes et d’acquérir la connaissance d’une zone géographique. Mais si, pendant longtemps cette expérience internationale a été associée à des rémunérations très attractives (voir encadré), la situation a bien changé. Avant même de partir, il convient donc de négocier en conséquence son package de rémunération en fonction de la destination.

En effet, les entreprises ont très largement engagé une politique de rationalisation des coûts d’expatriation. «Beaucoup de grands groupes ont revu à la baisse les conditions octroyées aux salariés en mobilité à l’international, explique Emmanuel Rivère, responsable de l’activité mobilité internationale chez Mercer. Or, il est également plus difficile de sortir de ce cadre préétabli.» Ce qui ne signifie pas qu’il ne faut pas négocier. Déjà, comme dans toute tractation, il s’agit avant tout d’un rapport de force. «Certains profils dont les compétences sont rares et indispensables à l’entreprise, comme un directeur financier, peuvent jouer de leur statut pour obtenir un package de rémunération aménagé», précise Emmanuel Rivère. De même, une entreprise qui a besoin d’un directeur financier ou d’un contrôleur financier à l’étranger, notamment pour suivre une filiale ou un projet donné, sera prête non seulement à s’assurer que ce dernier y gagnera financièrement, mais aussi à compenser les conséquences d’un tel départ. En parallèle, si les sociétés sont souvent moins généreuses lorsque le départ d’un salarié n’est pas absolument nécessaire, les négociations sur le salaire prennent néanmoins en compte sa situation.

Des avantages sur place peuvent également être négociés, comme une voiture de fonction, des billets d’avion ou un logement. «De plus, les particularités défavorables de certains pays, allant de l’isolement au risque de menaces physiques, sont prises en compte dans la rémunération, explique Paul Mercier, directeur chez Michael Page. Elles donnent droit à des suppléments de salaires proportionnels aux difficultés rencontrées, dites « hardship allowances ».» Quoi qu’il en soit, le futur expatrié a alors intérêt à collecter des informations sur les pays concernés, notamment en contactant des collègues sur place mais aussi l’ambassade ou le consulat de France, afin de connaître non seulement les conditions de vie mais aussi le niveau de pouvoir d’achat local.

Une fiscalité parfois plus lourde qu’en France

Cette démarche permet également de se renseigner sur la fiscalité qui n’est pas toujours, contrairement à ce que l’on pourrait penser, plus favorable qu’en France, notamment pour les cadres partant avec leur famille. «Un directeur financier qui a des enfants, par exemple, sera beaucoup plus imposé à l’étranger, poursuit Emmanuel Rivère. Le dispositif du quotient familial n’existant pas dans une majorité des pays du monde, un salarié se retrouve souvent à payer plus d’impôts dans son pays d’expatriation.» De plus, avec un revenu français beaucoup plus élevé que celui de la moyenne des pays émergents, les expatriés de ces pays rentrent souvent dans la dernière tranche d’imposition. Le salarié a alors intérêt à négocier une égalisation fiscale, c’est-à-dire à obtenir que l’entreprise prenne à sa charge tout ou partie de la différence.

Enfin, partir à l’étranger n’empêche pas de continuer à devoir payer certaines taxes en France pour les revenus générés sur le territoire, comme un loyer par exemple. Un expatrié qui loue son appartement pendant son expatriation sera imposé sur ses revenus français à hauteur de 20 % en France, et parfois également dans son pays de résidence. Néanmoins, pour éviter une double imposition, des conventions bilatérales ont été signées avec 124 pays. Pour autant, chaque convention est différente. Cette dernière peut prévoir une exonération ou un crédit d’impôts dans le pays où le cadre travaille, de manière complète ou partielle. De plus, certains pays, comme la Colombie ou l’Uruguay, ne sont pas concernés par de tels accords. Pour savoir précisément quels aménagements peuvent être mis en oeuvre, il convient de se référer au texte de convention, disponible sur le site de la direction générale des finances publiques.

Une étude des charges complexe

Si la fiscalité est une question complexe, celles de la protection sociale, peut l’être tout autant. Certes, les charges sociales sont très souvent inférieures à l’étranger, mais cela implique également un niveau de services publics plus faible… et donc potentiellement des frais supplémentaires. Trois éléments doivent être pris en compte : la sécurité sociale, la retraite et la scolarité des enfants. Dans le cadre d’un contrat local qui ne prend pas en compte ces éléments, les coûts ne doivent alors pas être sous-estimés. «Par exemple, aux Etats-Unis, il faut compter de 6 000 à 8 000 euros par an de frais pour un lycée et de 20 000 à 40 000 euros pour financer les études supérieures de chaque enfant, alerte Philipe Burger, associé capital humain chez Deloitte. Les coûts d’inscription en université peuvent même être deux fois plus chers dans certains pays tels que les Pays-Bas.»

La situation est alors plus avantageuse pour un cadre célibataire sans enfant, puisque les cotisations sont faibles et ses dépenses de scolarité et de santé sont a priori faibles. Mais un autre point doit être pris en compte : la retraite. Il convient alors d’anticiper soit en obtenant de son entreprise qu’elle cotise à la caisse de retraite des Français de l’étranger, soit en contractant une complémentaire privée à titre individuel (fonds de pension). «Dans cette deuxième situation, un cadre doit épargner entre 20 à 25 % de son salaire brut chaque année», poursuit Philippe Burger. La question de la retraite est d’ailleurs complexe à plus d’un titre. Par exemple, certains droits ne sont acquis qu’au bout d’un certain nombre d’années de présence dans la plupart des pays. Ainsi, les missions de quelques trimestres peuvent, malgré le paiement de cotisation, ne pas ouvrir de droits à la retraite.

Un retour souvent difficile

Enfin, au-delà de ces problématiques purement financières, il reste un élément très important à prendre en compte : le retour ! Déjà, une clause de retour peut être négociée. Celle-ci prévoit une affectation et un salaire équivalents à ceux que le financier quitte lorsqu’il revient en France. Il est conseillé de l’obtenir avant même son départ. Ensuite, il convient de garder le contact avec la direction financière du siège afin d’être au courant lors de vacances de postes et pouvoir se faire recommander le cas échéant. Néanmoins, la situation est plus complexe pour les directeurs financiers de filiales, car peu de postes au siège proposent des responsabilités équivalentes, à part l’encadrement d’un département de la direction financière. «Ces financiers sont souvent contraints d’enchaîner les expatriations jusqu’à trouver un pays qui leur convienne et y rester, ou de changer d’entreprise pour revenir en France», résume Paul Mercier. Ainsi, au-delà des considérations fiscales et sociales, la vraie problématique du cadre financier reste celle de ne pas avoir de ticket de retour garanti !

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *