La municipalité et le diocèse mobilisés. A Lyon, 170 jeunes migrants mis à l’abri

Ils campaient dans le centre-ville. Après des mois à la rue, 170 migrants âgés de 15 à 17 ans et demi seront mis à l’abri par le diocèse du Rhône et dans le gymnase Rosset mis à disposition par la mairie.

« J’ai une carte ! », se réjouit Karamo, jeune Guinéen de seize ans. Nous sommes dans un square dans le troisième arrondissement de Lyon, où dorment à ce jour près de 200 jeunes migrants, mineurs non accompagnés, originaires pour la plupart de Guinée Conakry. Et cette carte est un sésame pour avoir enfin droit à un toit ce soir. Ce sera la première fois depuis quatre mois que Karamo dormira au chaud. « Je suis heureux », confie-t-il simplement en vérifiant frénétiquement qu’il a bien toutes ses affaires dans ses deux cabas en plastique.

Mobilisations des riverains

Ce mardi 16 janvier 2024, le diocèse du Rhône et la mairie de Lyon se sont mobilisés pour répondre aux conditions indignes dans lesquels vivaient ces jeunes : des tentes détrempées par la pluie, aucun moyen de prendre une douche et, malgré une forte mobilisation de riverains et d’associations, des difficultés à trouver un repas les soirs et les week-ends. « C’était insupportable de voir ça, alors nous avons agi même si cela ne relève de nos compétences territoriales », explique Sandrine Runel, adjointe au maire la ville, venue sur place organiser l’opération.

Lyon a ainsi libéré le gymnase Rosset, relocalisé les activités sportives et scolaires qui s’y déroulaient dans d’autres lieux, acheté des équipements comme des lits et des micro-ondes, recruté cinq personnes dédiées pour accueillir 140 mineurs. Le diocèse, quant à lui, a trouvé trente places, dans quatre lieux disséminés à Lyon et à Décines. L’institution catholique a également mobilisé des bénévoles. « Je suis heureux du dénouement de cette histoire et du rôle de l’Église dans cette crise sociale », témoigne le père Renaud De Kemadec, à la tête de la paroisse de Saint-Sacrement, située en face du square, qui avait ouvert ses portes aux premières gelées, le 8 décembre dernier.

« Je suis tellement fatigué »

Aujourd’hui, les listes sont faites ; les jeunes reçoivent les petits cartons leur indiquant leur lieu d’affectation. Beaucoup sont soulagés. « Je suis tellement fatigué », témoigne Madani, 16 ans, avec un sourire malgré tout. Il réunit ses affaires et cherche du regard où il doit se rendre pour ne surtout pas louper le départ.

D’autres mineurs sont malheureusement absents : l’information a dû se perdre. Diane Etchart, jeune retraitée et surtout figure de référence dans ce square tant la riveraine s’est impliquée auprès des jeunes, enchaîne les appels pour les mobiliser. Beaucoup n’ont pas compris et sont simplement partis chercher un petit-déjeuner chaud ou suivre les cours prodigués par le Secours populaire auxquels ils sont très assidus. « Nous sommes aussi un peu inquiets car il y a moins de places d’hébergement que de jeunes à mettre à l’abri », explique-t-elle avant de s’éclipser pour amener chez elle l’un des jeunes qui vient de s’entailler l’arcade sourcilière et qui a besoin de soins.

Armand Creus, l’un des autres bénévoles du collectif Soutiens/Migrants Croix‐Rousse, fer de lance des négociations avec les autorités locales depuis l’établissement du campement dans le square en avril dernier, mâche beaucoup moins ses mots. « Il y a vingt à trente jeunes sans solution et on nous laisse seuls face à ça. Dans les squats que nous avons ouverts, nous avons pu trouver péniblement quatre places. C’est quoi l’alternative, si ce n’est rouvrir un autre campement ailleurs ? Surtout que d’autres jeunes migrants vont arriver aussi et que rien n’est prévu pour eux ! »

En effet, l’hébergement est prévu pour les jeunes migrants… recensés le 13 décembre dernier. Ceux qui sont arrivés depuis n’ont pas été pris en compte. C’est le cas de trois d’entre eux, qui viennent, la mâchoire et la gorge serrées, nous parler ce matin. « Pour nous, pas de carte, pas de toit et même pas de tente », témoigne Kafoumba, tout juste 17 ans et qui vient d’arriver le 5 janvier. « Ici, il faisait froid mais nous étions ensemble, ajoute-t-il. Ce soir, je ne sais pas où je vais dormir. »

Le campement sera démantelé pour que ce square Sainte-Marie-Perrin et son aire de jeux pour enfants, occupés depuis plus de dix mois, soient restitués aux riverains. « Je ne me sens vraiment pas bien, assure Camara, 16 ans, serrant ses bras autour de son torse pour tenter de se réchauffer, vacillant comme abasourdi par la nouvelle. Je venais seulement d’arriver vendredi dernier ».

Cette solution, aussi bienvenue soit-elle, reste imparfaite. Elle laisse des mineurs sur le carreau. Mais surtout, l’hébergement n’est assuré que jusqu’au 31 mars. Ensuite, les autorités compétentes devront faire face. La métropole Grand Lyon renvoie le dossier à la préfecture, qui elle le retourne à l’envoyeur. « Cela m’indigne de voir cette fin de non-recevoir quand nous les appelons, déplore Véronique Dubois-Bertrand, maire du troisième arrondissement, mobilisée sur ce sujet. J’espère que ce délai va enfin leur permettre de retrouver leurs esprits… et une solution ! »