« Ce fut une évidence. » À Lyon, une église sert de refuge à plus de 70 adolescents migrants

« Ce fut une évidence. » À Lyon, une église sert de refuge à plus de 70 adolescents migrants

Pour préserver l’église du Saint-Sacrement en journée, les jeunes migrants n’amènent pas de matelas, qui restent avec leurs effets personnels dans les tentes situées dans le square. | MORGANE REMY – OUEST FRANCE

Après plusieurs mois à la rue, dans des tentes du Square Sainte-Marie-Perrin dans le 3e arrondissement de Lyon, des dizaines de mineurs non accompagnés ont traversé la rue et franchi le parvis de l’église Saint-Sacrement. Un refuge bienvenu mais aussi froid que provisoire.

« Ici, dans cette église, c’est un refuge contre le froid et la pluie ». Ce mardi 12 décembre 2023, dans le 3e arrondissement de Lyon, quelques adolescents regardent des vidéos sur leur téléphone tandis qu’il pleut sur l’église Saint-Sacrement. L’une des vidéos tire un sourire à Madani, 16 ans. Il est assis sur un des bancs de prière, les pieds nus sur la partie destinée à s’agenouiller. « Mes baskets se sont déchirées : il ne me reste que des claquettes » , explique simplement ce Guinéen, migrant en attente de sa reconnaissance de minorité. Comme plus de 70 autres jeunes, en majorité des mineurs venant de Guinée Conakry, il dort ici dans cette église de quartier depuis vendredi. Un autre groupe, aussi nombreux, dort de l’autre côté, à la rue et sous des tentes.

Ce vendredi 8 décembre, une grande messe se tenait à l’occasion d’une commémoration lyonnaise dédiée à la Vierge Marie, qui a aussi donné naissance à l’événement touristique de la fête des Lumières. Quand l’office s’achève, les mineurs qui dorment depuis avril dernier sous des tentes, dans le Square Sainte-Marie-Perrin, traversent la rue. Ils franchissent le seuil et demandent refuge. « Depuis avril, les mineurs dorment dans ce parc public juste devant la métropole Grand Lyon qui a la responsabilité de la protection de l’enfance », résume Sébastien Gervais, un bénévole du Collectif Soutiens/Migrants Croix‐Rousse qui accompagne ces jeunes.

« J’arrive à dormir »

Ces jeunes migrants sont actuellement dans un vide juridique. Lors de l’évaluation menée pour la métropole, ils n’ont pas réussi à faire la preuve de leur minorité qui permettrait d’être mis à l’abri et scolarisés. Le temps qu’un document officiel leur parvienne, comme un acte de naissance original, ou de passer devant le juge pour enfants, aucune autorité ne les prend en charge. « Le 1er décembre, nous avons essayé de squatter un gymnase du quartier mais nous avons été chassés par les CRS, poursuit Sébastien Gervais. Et, avec l’hiver qui arrive, il y avait urgence. »

« Dans cette église, nous sommes égaux face à Dieu, nous avons juste une manière différente de prier », assure Mara Ibrahima, 16 ans, de confession musulmane, qui attend une audience depuis 3 mois afin de défendre son droit à la protection de l’enfance. À côté du banc prieuré où il est assis, seules quelques couvertures sont enroulées. Afin de préserver le lieu de culte en journée, ces jeunes n’amènent pas de matelas qui restent avec leurs effets personnels dans les tentes situées dans le square. « Ce n’est pas parfait, mais c’est mieux que dehors : j’arrive à dormir, explique Mohammed, 16 ans, lui aussi musulman et à la rue depuis 5 mois, dans l’attente de l’original de son acte de naissance. Le prêtre nous a accueillis et a pris le temps de nous écouter. Je me suis senti respecté ; ça m’a fait du bien. »

Le prêtre a refusé d’appeler la police

« Ce fut une évidence pour moi, explique le père Renaud De Kemadec, à la tête de cette paroisse depuis deux ans. J’avais simplement en tête cette parole d’évangile : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli ». » Le prêtre a refusé d’appeler la police pour intervenir. L’archevêque de Lyon, en pleine procession traditionnelle du 8 décembre jusqu’à la basilique Fourvière, est ensuite descendu vers 23 h pour discuter avec ces adolescents. Il s’est mobilisé auprès de la ville et de la métropole pour trouver une solution d’hébergement.

La mairie cherche quant à elle un moyen d’hébergement depuis plusieurs semaines, sans succès. Pour la métropole Grand Lyon, son président, Bruno Bernard a prévu de parler des mineurs non accompagnés avec la première ministre Élisabeth Borne mardi prochain.

« La position courageuse du Diocèse remet un coup de projecteur sur ces enfants, que personne ne veut prendre en charge, conclut Sébastien Gervais du collectif. C’est positif car cela mobilise de nouveau les autorités. Mais ce soir, comme les nuits suivantes, il y a toujours des enfants qui dorment à même ce sol en pierres froides, avec seulement quelques couvertures. »

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