Faute de toit, 176 enfants dorment dans des écoles à Lyon

Faute de toit, 176 enfants dorment dans des écoles à Lyon

Depuis de longues semaines, parents d’élèves et enseignants organisent des occupations d’écoles à Lyon (Rhône) et aux alentours pour sortir les enfants scolarisés de la rue. Cette solidarité bien organisée est victime de son succès : ces occupations s’éternisent.

Plus de 300 enfants sont actuellement sans domicile fixe dans l’agglomération lyonnaise. Il est 18 h 30, ce vendredi 15 décembre 2023. Les derniers enfants de l’école Mazenod sortent du sur la place Guichard, du 3e arrondissement de Lyon (Rhône), et retrouvent leurs parents pour rentrer chez eux.

Tous n’ont pas cette chance. Devant, Juliette Murtin, une « maman solo » comme elle se présente, militante pour le droit à un toit, accompagne Fatima* et sa petite de 8 mois. Elles font le chemin inverse et entrent dans l’école. Fatima et sa famille y dormiront ce soir, comme chaque nuit depuis le 8 octobre.

Trois matelas pour toute une famille

Pour circuler dans les couloirs, il faut naviguer à la lampe du portable. Puis, arrive la petite salle d’activité physique. Là, deux enfants jouent : les deux aînés de Fatima, 7 et 9 ans, et scolarisés ici même. L’un d’eux montre fièrement à sa mère la photo de classe offerte par une camarade. L’autre joue avec un casse-tête. Fatima, elle, s’active et colle trois tapis de sol qu’elle recouvre de deux draps. Cela servira de lit pour elle, ses trois enfants et son mari, qui fait en ce moment la plonge dans un restaurant. « Heureusement, depuis la Toussaint, la mairie a laissé le chauffage le soir et le week-end », commente Juliette Murtin, la militante de Jamais sans Toit.

Trois matelas de fortune collés les uns aux autres : voilà sur quoi dormira toute une famille ce soir de décembre 2023, dans une école lyonnaise. | OUEST-FRANCE

Le bébé de Fatima s’amuse à rouler sur les draps. Sa mère raconte dans un sourire : « c’est sur ces matelas qu’elle a appris à ramper. Le soir même où nous n’avions plus d’hôtel en hébergement d’urgence, nous avons été acceptés dans l’école de nos fils. »

« Rendre cette vive vivable pour mes enfants »

À demi-mot, reconnaissante, celle qui était ingénieur en biologie il y a moins d’un an en Algérie confie ses difficultés. « Mon travail c’est de rendre cette vie vivable pour mes enfants. De 8 h 30 à 18 h 30, je cherche à manger. Souvent quand je cuisine chez des gens, je peux repartir avec un petit quelque chose. Nous avons aussi le restaurant social à Charpennes (Villeurbanne). » Certains parents d’élèves amènent aussi de la nourriture pour le dîner et proposent de temps en temps l’accès à leur douche.

« Ici, nous sommes une dizaine investie fortement et nous pouvons compter sur une cinquantaine de parents d’élèves dans le comité de soutien », annonce Juliette Murtin, la militante.

Ce n’est pas de trop : sur 137 établissements de la Métropole Grand Lyon, au 14 décembre, 331 enfants étaient sans domicile fixe, comptabilise le collectif Jamais Sans Toit collecte. À Lyon même, ce sont 176 enfants, dont 89 dormaient dans les différentes écoles grâce au soutien de parents ou d’enseignants. Surtout, le collectif alerte sur le fait que ces occupations d’école s’éternisent depuis des mois, contre quelques semaines seulement l’année dernière.

« Nous nous épuisons »

C’est le cas dans un autre établissement, installé dans le 7e arrondissement : « Ici, à Gilbert Dru, nous nous épuisons. Nous constatons que l’occupation des écoles devient presque un dispositif d’accueil en urgence comme un autre, faute de places ailleurs, alerte une enseignante de cette école primaire, Nathalie Desfond. Vous voyez, là, dans ma classe, sous mon tableau blanc ? J’y ai dormi une semaine entière depuis la rentrée. » La mairie qui tolère ces occupations, demande en contrepartie que des bénévoles soient présents la nuit et que les matelas soient rangés chaque matin. Alors, chacun se relaie. Mais « nous n’avons pas vocation à encadrer des lieux d’hébergement pérennes », remarque Nathalie Desfonds, la professeure.

Un rendez-vous avec le maire

Pour tenir le coup, et assurer aussi tous les repas du soir, l’équipe pédagogique et quelques parents d’élèves s’impliquent de concert pour les trois familles qui logent à Gilbert Dru depuis le 18 septembre. « Nous pouvons aussi compter sur l’association l’Arche de Noé à côté et la paroisse de Saint-André pour les douches et les lessives, explique Nadia*, mère de trois enfants de 3 ans, 8 et 10 ans, tous scolarisés dans ce groupe scolaire. Je suis en contact avec une assistante sociale de la métropole pour trouver un logement, mais la priorité est d’obtenir des papiers. »

Le collectif Jamais sans un Toit a obtenu un rendez-vous ce lundi midi avec le maire de Lyon, Grégory Doucet, dans l’espoir de trouver une issue pour toutes ces familles avant Noël.

* Les prénoms ont été changés

Retrouvez l’article sur Ouest France.