Comment la métropole Grand Lyon va mettre en place la semaine de quatre jours
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« Nous serons la plus grande collectivité de France à tester la semaine en quatre jours », annonce Zémorda Khelifi, vice-présidente déléguée aux ressources humaines de Grand Lyon (Rhône), employant 9 600 agents. Annoncée mardi 9 mai 2023, l’expérimentation sera mise en place au 1er septembre 2023, pour une durée de six mois et ouverte dans 120 services, sur les 346 que compte la Métropole, gouvernée par une majorité écologiste. Cette expérimentation était demandée par les syndicats et les agents depuis plusieurs années déjà. « Historiquement, les salariés du Département étaient déjà à quatre jours, avant 2015, date de la fusion avec la communauté de communes pour créer l’actuelle collectivité, rappelle José Rodriguez, secrétaire général de l’Unsa à la Métropole. La demande est forte en la matière et il s’agit d’une revendication que nous renouvelons chaque année. »
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Des entreprises privées précurseures
Ainsi, Grand Lyon s’inscrit dans une certaine tradition, au sein même de sa collectivité mais aussi sur son territoire local. Des entreprises privées ont été précurseures en la matière. C’est le cas de l’industriel Bosch Rexroth à Vénissieux, depuis 1998, et du groupe d’e-commerce LDLC à Limonest, depuis 2019. « Nous avons fait le pari de réduire le temps de travail à 32 heures », témoigne Laurent de la Clergerie, président du directoire du groupe LDLC (567,4 millions d’euros de chiffre d’affaires et 1 050 salariés). Grâce à cela le groupe a divisé par deux son taux d’absentéisme et d’accidents du travail. « Même les accidents de trajets ont été divisés par 2, ce qui montre que ce choix a bien permis de traiter l’enjeu de la fatigue », réagit ce dernier.
Les agents à temps partiel pourront repasser à temps plein
Grand Lyon, pour sa part, ne peut pas légalement passer à 32 heures de travail hebdomadaire. La Métropole vise donc une réorganisation du temps de travail et non sa réduction. Les agents feront 1 607 heures par an, structurées selon une multitude de scénarios. En fonction de la durée de ses journées, un agent volontaire aura le choix entre une semaine de quatre jours avec cinq RTT, quatre jours sans RTT, quatre jours et demi ou une alternance entre quatre et cinq jours. « L’objectif est de proposer un panel de rythmes pour que chacun y trouve son compte, en fonction de sa vie personnelle et des réalités de leur métier, poursuit Zémorda Khelifi. Pouvoir concentrer son temps de travail permettra notamment aux 977 agents, dont 888 femmes, qui sont à 80 % ou 90 % de repasser à temps plein sur quatre jours et récupérer ainsi l’intégralité de leur salaire. »
À 80 %, « mon salaire a baissé mais pas ma charge de travail »
C’est effectivement le cas de Armela Braun, 42 ans, responsable de la mission sûreté, sécurité et gestion de crise. « J’occupe mon poste depuis 2014 et, depuis quatre ans, je suis passée à 80 %, raconte-t-elle. Mon salaire a baissé mais pas ma charge de travail, car je ne me suis jamais déchargée sur mon équipe. » L’expérimentation lui permettra de conserver ses mercredis pour être présente auprès de ses trois enfants et de regagner en salaire. « Comme je travaille près de neuf heures par jour, la formule en quatre jours avec cinq jours de RTT correspond déjà à mon rythme actuel », complète-t-elle.
« Nous veillerons à ce que cela reste sur la base du volontariat »
« Pour certains cas, le gain est évident mais nous souhaitons tout de même objectiver les résultats de cette expérimentation, précise Zémorda Khelif. Nous sommes en train de développer des indicateurs de suivi, comme le taux d’absentéisme (actuellement de 10 %) mais aussi d’autres sur l’égalité homme-femme et la santé au travail. » Cela servira ensuite de base de discussion avec les partenaires sociaux, dans l’optique de la pérennisation de cette organisation pour la rentrée 2024. Et permettra aussi de surveiller que les hommes se saisissent aussi de l’opportunité.
Les syndicats de la Métropole, satisfaits de cette expérimentation, restent tout de même très attentifs. « Notre plus grande inquiétude est que la durée de travail journalière, plus concentrée, ne produise l’inverse de l’effet attendu, avec des burn-out, des troubles musculo-squelettiques ou de la perte de vigilance », note Anne-Marie Sanchez, secrétaire générale de l’UFICT-CGT. « Nous veillerons aussi à ce que cela reste sur la base du volontariat et sans contrepartie », complète Franck Garayt, président de la CFTC. « Enfin, nous voulons la garantie qu’il y aura une équité de traitement entre les services », conclut José Rodriguez.