Crédit immobilier : les refus de prêt ne cessent d’augmenter

Crédit immobilier : les refus de prêt ne cessent d’augmenter

Alors que les autorités freinent l’octroi de nouveaux emprunts, retrouvez, profil par profil, nos conseils pour décrocher quand même votre financement.

Le calme plat : voilà ce qui attend a priori les emprunteurs immobiliers en cette fin d’année Les taux d’intérêt, déjà très bas, ne bougent en effet presque plus, et s’établissaient en moyenne début octobre à 1,10% sur quinze ans, 1,30% sur vingt ans, et 1,55% sur vingt-cinq ans. Une grille qu’il reste possible de négocier, à respectivement 0,75%, 0,95%, et 1,15%. Seulement voilà, de telles conditions ne sont plus aujourd’hui réservées qu’aux meilleurs profils.

Pour les autres, le risque est plutôt de se voir, purement et simplement, refuser l’emprunt. Les rejets de dossiers atteindraient ainsi 10% en moyenne, le double d’il y a un an. « Et encore, il faut tenir compte de l’autocensure des emprunteurs les plus fragiles, ainsi que des dossiers que nous préférons ne plus présenter aux banques », explique Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier Cafpi. En moyenne, selon lui, un tiers des candidats à l’achat ne trouveraient plus à se financer !

En cause, les recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (HSCF) qui, pour des motifs prudentiels, enjoint depuis début 2020 les banques à ne pas prêter au-delà d’un taux d’endettement de 33% des revenus imposables de leurs clients, et sur des durées maximales de vingt-cinq ans. Mais aussi la crise économique, qui incite les établissements à la prudence, et à imposer davantage d’apport personnel. Autant d’exigences qui pénalisent certains clients, des primo-accédants aux investisseurs, en passant par les ménages déjà endettés. Profil par profil, retrouvez les banques encore accommodantes, et les stratégies pour sauver votre projet d’achat.

Primo-accédants: pensez aux prêts à mensualité progressive

  • Impact des critères HCSF : 2/3
  • Impact de la crise économique : 2/3
  • Les points bloquants : un apport et/ou des revenus insuffisants
  • Les banques encore favorables : Crédit agricole, Caisse d’épargne, Bred, Banque postale, Société générale

Un apport personnel restreint, selon la Centrale de financement, à seulement 9% du projet, contre près de 12% en moyenne, et des revenus d’environ 42.000 euros, au lieu de 62.000 euros chez la totalité des emprunteurs. Avec ces moyens plus limités, et donc un montant de prêt mécaniquement plus élevé, pas étonnant que les primo-accédants soient particulièrement pénalisés par la règle du HCSF voulant que les mensualités de crédit n’excèdent plus 33% des revenus nets. « Pour cette clientèle, le taux de refus a grimpé de 20 à 30% en un an », résume Sylvain Lefèvre, le président de ce courtier.

Face à cette impasse, le mieux est d’augmenter son apport personnel. Les banques y incitent d’ailleurs d’elles-mêmes, puisqu’elles exigent désormais de pouvoir payer de sa poche au moins les frais de notaire, et parfois, en plus, 10% du prix du bien. Vous pourrez bien sûr, en priorité, solliciter votre famille. Pour un projet dans le neuf, il sera notamment possible de profiter de l‘abattement supplémentaire, de 100.000 euros par parent, appliqué aux donations consenties pour faire construire une résidence principale. En vigueur jusqu’à fin juin 2021, la mesure impose toutefois de réutiliser les sommes dans les trois mois. De son côté, le promoteur Nexity propose de doubler, jusqu’à un plafond de 6000 euros, les cagnottes familiales constituées en ligne pour acheter un de ses lots.

Si ces collectes restent insuffisantes, contactez les banques encore compréhensives, comme la Société générale ou la Banque postale, qui acceptent des emprunteurs dès 1800 euros de revenus. Mais le taux d’endettement n’y sera négociable que pour les profils à plus fort potentiel, tels les internes en médecine. Dernière solution: souscrire un prêt progressif, dont les mensualités, plus faibles au départ, augmentent de 1% par an, comme le ferait un loyer. Quelques banques, dont la Caisse d’épargne avec Grandioz, commencent à en proposer.

Pour 250.000 euros empruntés sur vingt-cinq ans, un tel crédit peut se négocier à 1,75%, pour une première mensualité de 920 euros. « Soit, dans le cas d’un jeune couple avec 3.000 euros de revenus, un taux d’endettement de 30,7%, conforme aux critères HCSF », précise Sandrine Allonier, responsable des études chez Vousfinancer. La même somme, mais empruntée via un prêt classique, aboutirait à une mensualité de 1.030 euros, soit un taux d’endettement de 34,4%, hors critères. Attention, la mensualité grimpera ensuite progressivement, jusqu’à 1168 euros par mois, pour un coût, au global, de 3000 euros supérieur à celui d’un crédit amortissable classique.

Déjà endettés: n’oubliez pas le regroupement de crédits

  • Impact des critères HCSF : 2/3
  • Impact de la crise économique : 2/3
  • Les points bloquants : un taux d’endettement excessif
  • Les banques encore favorables : celles spécialisées sur le regroupement de prêts

Prêt étudiant, crédit automobile ou réserves d’argent… alors que le taux d’endettement ne peut plus excéder 33% des revenus, le plus simple pour les ménages déjà endettés est de rembourser ces anciens emprunts. Ainsi, pour un ménage percevant 3.000 euros de revenus, solder un prêt à la consommation de 300 euros par mois permettrait de faire passer sa capacité d’emprunt immobilier de 700 à 1.000 euros. Et donc le total finançable de 148.000 à 211.000 euros, 42% de plus! « Cette stratégie est, dans un tel cas, plus efficace que d’augmenter son apport», assure Sandrine Allonier.

Si cela n’est pas possible, il faudra alors recourir au regroupement de crédits, qui consiste à rassembler les divers emprunts en un seul, tout en allongeant la durée de remboursement, sur une durée bien évidemment maximale de vingt-cinq ans. Grâce à la baisse des taux d’intérêt, cette technique vous permettra même sans doute de dégager de la trésorerie, à injecter comme apport.

Certains spécialistes proposent des solutions tout-en-un, à l’image de Made in Courtage, avec Access’Primo, conçu en collaboration avec CGI Finance, une filiale de la Société générale. « Le regroupement nécessite un à deux mois de délai, mais permet de débloquer les dossiers auprès des banques », assure Eric Debèse, directeur général de la plateforme. Bon à savoir: si ces divers crédits sont proches d’être remboursés (moins d’un an), certaines banques accepteront de fermer les yeux dessus.

Investisseurs: tout va dépendre de la valorisation de vos loyers

  • Impact des critères HCSF : 3/3
  • Impact de la crise économique : 2/3
  • Les points bloquants : taux d’endettement élevé, crainte des impayés de loyer, trop longue durée d’emprunt
  • Les banques encore favorables : BNP Paribas, CFCAL, Boursorama, Crédit agricole, Caisse d’épargne Ile-de-France, Société générale

Certes, ces emprunteurs pourraient être les premiers à profiter de la tendance des banques à se montrer plus accommodantes en fin d’année, histoire de remplir leurs objectifs de production de crédit. Mais les investisseurs sont aussi les premiers pénalisés par les critères du HCSF. «Comme ils sont souvent déjà endettés par ailleurs, pour leur résidence principale ou d’autres investissements, la règle des 33% leur est très défavorable», explique Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux, chez qui les investisseurs ne pèsent plus que 15% des dossiers, contre 20% l’an passé. Les bailleurs atteignent d’autant plus vite ce plafond que les banques ont, par prudence, changé leur méthode de comptabilisation des loyers.

Alors qu’avant, ces revenus, pondérés à hauteur de 80% (pour tenir compte, par exemple, du risque de vacance locative) venaient en déduction des mensualités de remboursement, elles ont décidé de simplement les rajouter au revenu déclaré. L’effet est redoutable. Exemple avec un investisseur disposant de 4000 euros de revenus mensuels, et visant un bien loué 1000 euros par mois, pour une mensualité de 1000 euros, qui viendrait en plus d’un premier emprunt de 1000 euros par mois. Avec l’ancienne méthode, les banques auraient estimé à 30% son taux d’endettement (soit une charge totale de remboursement de 1200 euros, rapportée à 4000 euros de revenus). Avec la nouvelle méthode, ce taux bondit à… 42% (soit 2000 euros de charge de remboursement, rapportée à un total de 4800 euros de revenus).

La solution, dans un tel cas, serait logiquement de rallonger le crédit, jusqu’à un maximum de vingt-cinq ans, pour faire baisser la mensualité. « Mais rares sont les banques à y consentir désormais», avertit Fabrice Leduc, conseiller en gestion de patrimoine et gérant de Leduc & Associés. Seules la Caisse d’épargne Ile-de-France et la Société générale font encore des efforts. Restera sinon à privilégier les banques tenant compte de 100% des loyers, comme BNP Paribas. Ou celles proposant un crédit lombard, à l’image du CFCAL, une filiale du Crédit mutuel de Bretagne. «Il faudra alors proposer un placement en garantie, comme une assurance vie », précise Fabrice Leduc.

CDD et TNS: il vous faudra montrer patte blanche

  • Impact des critères HCSF : 1/3
  • Impact de la crise économique : 3/3
  • Les points bloquants : revenus en baisse, secteurs d’activité exposés à la crise
  • Les banques encore favorables : Banque populaire, Société générale, Crédit du Nord et Bred

Pour les salariés précaires ou les travailleurs indépendants, il est déjà difficile d’emprunter en temps normal. La crise économique actuelle, qui succède à la crise sanitaire, ne va évidemment rien arranger. Surtout si ces professionnels ont le malheur d’exercer dans un secteur particulièrement affecté, comme la restauration, l’hôtellerie, le transport aérien, le tourisme, ou l’événementiel. Pour ces profils, il faudra soit compter sur son conjoint, si par chance il dispose d’un CDI. Soit accepter d’engager son épargne.

« Pouvoir injecter, en plus des frais de notaire et du montant éventuel de travaux, 30% de la valeur du bien permettra de rassurer le banquier », assure Maël Bernier, de Meilleurtaux. Sinon, il vous faudra faire preuve de persuasion, en valorisant vos compétences professionnelles et votre employabilité. « Les banques tiennent également compte de l’ancienneté dans le métier », rappelle Sandrine Allonier. Même stratégie pour les indépendants, qui auraient vu leurs revenus baisser lors du confinement, et qui pourront mettre en avant des carnets de commandes encourageants. Mieux vaudra toutefois ne pas afficher de prêt garanti par l’Etat (PGE). « Et privilégier la banque en charge du compte professionnel, qui sera plus tolérante », souligne Eric Debèse, de Made in Courtage.

Seniors: une assurance de prêt à moduler avec précaution

  • Impact des critères HCSF : 1/3
  • Impact de la crise économique : 0/3
  • Les points bloquants : un coût d’assurance trop élevé
  • Les banques encore favorables : aucune en particulier, les banques étant soumises au respect du taux d’usure

Pour ce type de profil, ce n’est ni la conjoncture économique ni même les injonctions du HCSF qui sont les plus pénalisantes. Mais plus simplement la bonne vieille règle du taux d’usure, qui interdit aux banques de prêter au-delà d’un plafond légal. Cette limite de taux est en effet calculée à partir des crédits octroyés durant le trimestre écoulé, en incluant tous les frais annexes (de dossier, de courtage, de garantie, d’assurance, etc.), et en augmentant la moyenne obtenue d’un tiers.

En période de taux bas, cette marge est insuffisante pour inclure les emprunteurs payant très cher leur assurance d’emprunt, comme les seniors donc, mais aussi ceux souffrant d’une maladie chronique, ou encore les professions à risque (policiers, militaires ou salariés des plateformes pétrolières). Certes, le taux d’usure du quatrième trimestre est légèrement remonté, grâce à la courte, et légère, hausse des taux d’intérêt enregistrée durant le confinement. Il s’élève ainsi à 2,68% pour les durées d’emprunt de vingt ans et plus, contre seulement 2,57% cet été. Mais le problème pourrait se poser à nouveau dès la prochaine échéance de calcul, début 2021.

Pour repasser sous ce plafond, les seniors pourront renoncer à l’assurance invalidité. De quoi diviser par trois l’addition, pour un risque limité, car les revenus des retraités ne chuteront alors pas. « Les malades chroniques pourront se tourner vers des assureurs spécialisés, souligne Sylvain Lefèvre, de la Centrale de financement. Leurs tarifs sont plus proches de la moyenne que ceux des filiales de banques. » Dernière solution: se résoudre à une moins bonne couverture en cas de décès. Par exemple, en diminuant la quotité d’assurance du conjoint aux revenus les plus faibles.

Retrouvez l’intégralité du dossier ici.

Et l’ensemble de mes articles pour Capital présentés sur mon portfolio.