Carbone 4 note les entreprises pour verdir les actifs des banques
La société vient d’être retenue par l’Eurosystème pour l’aider à mesurer l’impact environnemental des entreprises. Retour sur l’apport de son outil.
Tandis que les banques centrales de l’Eurosystème se sont engagées l’an dernier à appliquer des principes d’investissement durable et responsable (ISR) sur leurs portefeuilles en euros, elles viennent de franchir un premier pas en souscrivant à l’outil français Carbon Impact Analytics (CIA) développé par la société Carbon 4 Finance. Cet outil note les entreprises cotées par rapport à leur positionnement en termes de climat et de biodiversité. « Nous avons lancé Carbon Impact Analytics en 2016 pour les investisseurs souhaitant intégrer les risques liés au climat dans leur sélection de valeurs, explique Laurent Morel, associé chez Carbone 4. Nous travaillons sur la base des données publiées par les entreprises cotées, avec un prisme d’analyse sectoriel, pour les noter en fonction de la performance de la réduction de leur empreinte carbone par le passé, de son niveau actuel, ainsi que des projets pour le futur. »
Chaque entreprise est notée, ce qui permet à l’investisseur de la situer par rapport à d’autres du secteur. Cela sert concrètement à des politiques d’exclusion ou de pondération dans les portefeuilles d’investissement. Ainsi seront valorisées les entreprises dont la stratégie de décarbonation est la plus convaincante. « Souvent, il y a un alignement entre les efforts passés, la performance actuelle et les engagements, poursuit Laurent Morel. Donc notre note reflète le degré de maturité relatif de l’entreprise dans son secteur. »
Ce qui intéresse les clients qui s’abonnent à cette notation de 8.000 entreprises dans le monde, c’est non seulement d’améliorer l’impact positif de leurs investissements mais aussi de limiter leur exposition aux risques liés à la transition énergétique et aux bouleversements climatiques. « Une entreprise qui est mature sur sa réflexion de transition se protège de l’impact qu’aura un nouveau règlement, un changement de comportement des consommateurs ou un problème de réputation, résume Laurent Morel. Cela s’observe déjà dans le secteur automobile : les acteurs de l’électrique auront tôt ou tard un avantage concurrentiel et cela se traduit déjà dans les valeurs des actions. » Les clients types qui s’abonnent à Carbon Impact Analytics sont des assets managers, des assureurs et des banques qui possèdent de grands portefeuilles de titres cotés. Mais parfois, certaines banques l’utilisent de manière intensive comme c’est le cas de Natixis.
Bonus-malus
« Natixis est un client un peu particulier, explique Dominique Blanc, expert en finance durable chez Natixis CIB. Mirova, affilié de Natixis IM, a collaboré à l’élaboration de la méthodologie Carbon Impact Analytics (CIA) et, depuis 2018, Natixis CIB utilise également la base de données pour un mécanisme incitatif de bonus-malus dans le cadre de ses financements. » Concrètement, avant de financer une entreprise, le montant de capital requis (le risk-weighted assets, RWA) est ajusté analytiquement avec un green weighting factor qui s’appuie sur le score CIA. En clair, à niveau de risque financier égal, le mécanisme affiche un engagement de capital accru pour une entreprise jugée brune et réduit pour une entreprise jugée verte, ce qui peut avoir un impact sur les décisions des comités de crédit « Cet outil est effectif depuis 2019 et nous incite à accompagner les clients dans leur transition énergétique pour pouvoir aussi mieux les financer », complète Dominique Blanc.
« Nous apprécions l’approche scientifique de leur démarche et la profondeur de l’analyse qui permet d’évaluer les externalités environnementales détaillées sur l’ensemble de la chaîne de valeur, complète Dominique Blanc. De plus, Carbon 4 Finance adopte une approche critique en comparant systématiquement les données publiées par les entreprises avec ses propres modélisations. » Gagner l’appel d’offres de l’Eurosystème permet d’afficher une référence de premier ordre et de passer un cap international, avec la Banque centrale européenne et 19 banques centrales nationales qui accèdent au service. Reste, comme le confie la société elle-même, à améliorer la couverture de la zone Asie où la matière première, les reportings extra-financiers, est un peu moins contraignante qu’en Europe.
Retrouvez l’intégralité de l’article dans l’Agefi Hebdo, Financement, jeudi 31 mars 2022 662 mots, p. 29