Les fonds viagers prennent leur essor

Les fonds viagers prennent leur essor

Avec des promesses attrayantes de rendement et de sens, ces solutions financières séduisent les institutionnels.

« Le fait de pouvoir rester chez moi grâce au maintien du droit d’usage, tout en percevant un revenu qui vient compléter une pension faible m’apporte une forte sécurité, témoigne le retraité Yves Parguer, qui a utilisé le service viager de l’Union Mutualiste Retraite (UMR), Coremimmo, pour vendre la nue-propriété de son bien aux alentours de 30.000 euros. En attendant d’en avoir besoin, je compte les placer en assurance-vie. » Il réalise aussi des économies grâce au viager : plus d’impôts fonciers à payer ni de gros travaux, qui sont à la charge de l’acquéreur. Dans un contexte où le maintien à domicile devient un enjeu national, la solution viager devient évidente. Mais pendant longtemps, beaucoup d’acquéreurs craignaient de vivre le scénario du film Le Viager et de tomber sur une Jeanne Calment.

Face à ce « risque de longévité », une nouvelle solution financière se développe fortement : le fonds viager a pour objectif d’acquérir plusieurs biens avec une décote, liée au droit d’occupation, afin de mutualiser. Certes, ce type de fonds reste un Petit Poucet (7 % des achats en viager s’opèrent via un fonds) dans une niche du marché immobilier mais la tendance est exponentielle. Ces fonds viagers séduisent à mesure que les promesses de rendement de 4 % à 7 % semblent tenues. Ils attirent aussi de plus en plus pour l’impact social qu’ils ont sur la société, tandis que la thématique de la dépendance fait l’actualité.

Ce produit s’est lancé initialement sur une impulsion politique : Nicolas Sarkozy, alors président de la République, proposait de recourir au patrimoine des seniors pour financer le maintien à domicile. Bercy donne l’impulsion et le relais à la Caisse des dépôts (CDC). Après des mois de discussions avec des investisseurs institutionnels, une dizaine d’entre eux sont prêts à mettre au pot : les Assurances du Crédit Mutuel, le Crédit Mutuel Nord Europe, AG2R La Mondiale, CDC, CNP, Groupama, Ircantec, Macif, Maif, Suravenir et Unéo. Un total de 150 millions d’euros est investi dans 450 biens à travers la France. « Les objectifs sociétaux sont alors remplis avec une moyenne d’achat composée d’un capital de 80.000 euros et d’une rente de 1.020 euros par mois en complément de retraite à vie », souligne Stanley Nahon, directeur général de Renée Costes, cogestionnaire du fonds Viager Certivia avec La Française.

Diversification

Face à ce premier essai concluant, un deuxième fonds réunit cette fois une vingtaine d’investisseurs séduits par l’opportunité de diversification, l’horizon à long terme et le sens de l’investissement. Certivia2 a levé 200 millions d’euros et envisage d’acheter 600 logements dans toute la France à horizon 2024, dont une centaine déjà acquis. « Cette collecte illustre la tendance globale : c’est une thématique qui a mis du temps à prendre son essor et qui s’accélère très sensiblement depuis deux ou trois ans, poursuit Stanley Nahon. D’ailleurs, d’autres fonds se sont développés dans la lignée de Certivia. » Par exemple, l’UMR a lancé son fonds institutionnel Coremimmo. « Fin 2021, nous avons investi 51 millions dans notre société civile immobilière (SCI) qui affiche une plus-value latente de 9,3 millions, son patrimoine se compose de 127 biens, note Philippe Rey, son directeur financier. Nous visons un rendement entre 4 % et 5 %. »

D’autres fonds s’ouvrent aussi au grand public. ViaGénérations, géré par la petite société de gestion entrepreneuriale Turgot AM, s’est ainsi lancé en 2017 et est distribué par des assureurs en unités de compte (UC) pour les particuliers souhaitant diversifier leurs investissements dans le cadre d’une assurance-vie ou d’un plan épargne retraite. Créé en 2017 avec 24 millions d’euros de fonds propres devenus 50 millions en 2019, le véhicule a bouclé une collecte à… 580 millions l’an dernier. « Nous avons testé cette innovation avec l’Union nationale mutualiste interprofessionnelle, Ageas et Apicil, raconte Thibault Corvaisier, directeur de la gestion immobilière chez ViaGénérations. Puis nous l’avons ouverte à d’autres assureurs, d’abord SwissLife puis Generali, afin de répondre à la demande grandissante pour les SCI et la nôtre en particulier. » Le fonds est même victime de son succès, la collecte étant instantanée et plus rapide que les achats de maisons et appartements viagers. « Nous avons dû fermer la collecte chez ces deux géants de l’assurance car nous collections trop vite, poursuit-il. Nous la rouvrirons en 2023. »

La prochaine étape de développement se fera sûrement par les conseillers en gestion de patrimoine qui peuvent être doublement apporteurs d’affaires : en conseillant ces UC dans les produits d’épargne et en conseillant aux seniors de chercher un complément de retraite via la vente par viager. Ceux-ci ont tout à y gagner : une commission de 8 % en cas de vente et un capital à faire fructifier. Surtout qu’avec ViaGénérations, comme son concurrent direct Silver Avenir d’Arkéa, l’achat se fait en capital uniquement, sans versement de rente pour limiter le risque de longévité. Mais attention, l’horizon d’investissement est de 15 à 25 ans… Il est trop tôt pour dire si ces fonds parviendront à terme à être à la fois rentables et éthiques !

Découvrez l’intégralité de l’article dans l’Agefi Hebdo, Investissement, jeudi 28 avril 2022 839 mots, p. 32.