Les bac pro aussi ont droit à une classe prépa

Les bac pro aussi ont droit à une classe prépa

20 janvier –

À Lyon, une classe préparatoire propose à des lycéens de la voie professionnelle de tenter les concours des meilleures écoles de commerce. Une expérimentation rare en France.

« J’ai toujours voulu faire une classe prépa, annonce Noëlya Loison-Mulero, 18 ans. Mais mon lycée m’a orientée en bac pro en seconde et j’ai cru que c’était fini. » Noëlya a aujourd’hui le sourire. À la rentrée dernière, elle a intégré une classe préparatoire aux grandes écoles Économique et Commerciale voie Professionnelle (ECP), dans le prestigieux lycée Ampère, sur la presqu’île de Lyon. Une des quatre existant en France pour ces bacheliers qui ont quitté la voie généraliste.

La jeune femme étudie en première année d’une prépa qui s’étale sur trois ans, au lieu de deux pour le parcours classique en CPGE – les prépas offrent une formation intensive en vue concours des grandes écoles, très sélectifs. Rien n’est donc gagné pour Noëlya. L’étudiante le sait, mais elle est déterminée. « Les élèves des autres classes ont eu l’audace de nous dire que nous étions nuls, raconte-t-elle. Moi et mes camarades, nous leur donnons rendez-vous aux concours ! »

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« Une chance de réussir »

Une véritable solidarité s’est mise en place au sein de cette classe de 14 élèves. Boursière, Noëlya a ainsi dépanné de quelques dizaines d’euros un de ces camarades, Yahn-Joris Norbert-Richard. Ce dernier débarque de Madagascar. « J’ai fait plus de 8 000 kilomètres et j’ai atterri ici à 18 ans, sans connaître personne, sans avoir accès à ma bourse ou même à une carte bancaire à cause de délais à l’ambassade, raconte celui qui est enfin pris en charge, et logé par le Crous. Alors, maintenant, je ne lâche rien et je participe au maximum. »

Pour ces bacheliers de bac pro, la philosophie est une découverte. Enseignée par Denis Guillec, un professeur engagé à leurs côtés, elle fait écho à leur parcours de vie. | MORGANE REMY – OUEST-FRANCE

Comme en écho, leur professeur de philosophie a conclu son cours ainsi : « Le désir, qui est chez Spinoza l’essence de l’homme, constitue une volonté d’accroître sa puissance d’être. C’est ce que vous venez chercher : une chance de réussir, un lieu où vos potentialités trouvent à s’employer. » Denis Guillec nous explique à la fin de sa classe pourquoi il a choisi de rejoindre l’équipe des enseignants, au moment de l’ouverture de cette prépa en septembre 2022 : « Je suis fervent défenseur de cette expérimentation. Je leur propose des textes de haute culture, avec patience notamment face à certains déficits syntaxiques et de lexique, et avec humilité face à des histoires de vie très riches. » Le programme prévoit aussi des sorties à l’opéra, au théâtre, au musée…

« Les débuts ont été un choc »

Au premier rang de sa classe, le regard vif et limpide, Matteo Canaguy se confie : « En lycée professionnel, j’ai eu l’impression de dépérir jusqu’au moment de ParcourSup [la plateforme permettant aux futurs étudiants d’exprimer leurs vœux d’affectation après le bac, N.D.L.R.] quand un de mes professeurs m’a parlé de cette classe. » Ce Grenoblois a été reçu à chacune des quatre prépa de ce genre actuellement en expérimentation en France. « Je me sens enfin nourri intellectuellement, témoigne ce fils d’un ouvrier et d’une aide soignante. J’ai la chance de pouvoir lutter contre un certain déterminisme social grâce à un programme exigeant, des professeurs qui ne nous infantilisent pas et le soutien de mes parents. » Puis d’ajouter : « Je suis enfin à ma place, même si les débuts ont été un choc par rapport à la quantité de travail demandée. »

Là se trouve tout l’enjeu du dispositif. Apprendre à apprendre. « Ce fut une des principales difficultés à appréhender, avec des élèves peu habitués au travail personnel, reconnaît Jean-Yves Le Bouedec, directeur délégué en charge de cette formation. Mais le rythme est progressif, en 3 ans, afin de leur donner la même chance de réussite que chacun de nos élèves. » Et si aucune promotion n’a encore tenté les concours, il est déjà temps pour les futurs bacheliers de la voie professionnelle de tenter l’aventure. « L’année dernière nous avons accepté 15 élèves, sur 120 dossiers, et nous comptons bien accepter 24 nouveaux élèves à la rentrée prochaine, annonce le proviseur, Philippe Grand. Sachez, qu’au-delà des notes, nous cherchons surtout des jeunes ouverts d’esprit, motivés et ambitieux. » À vos candidatures !

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