Primo-accédants : il est encore temps d’acheter
Si les taux des prêts immobiliers ne cessent de grimper, il reste toutefois possible de devenir propriétaire en limitant au maximum la perte de pouvoir d’achat et de mètres carrés. Voici nos six conseils pour une opération réussie.
L’envolée du prix des prêts immobiliers ne cesse de s’accélérer. Aujourd’hui, le taux d’emprunt moyen sur vingt-cinq ans dépasse 4 %, alors qu’il n’était que d’environ 1,20 % en janvier 2022. Il a quasiment doublé depuis janvier dernier, et les ménages souhaitant acheter pour la première fois un bien immobilier accusent le coup. « Chez nous, c’est simple, l’année dernière, les primo-accédants représentaient 30 % des acquéreurs. Ils sont deux fois moins aujourd’hui », annonce Frédéric Bourelly, PDG de Mon chasseur immo, un service de recherche d’appartements et de maisons.
Beaucoup ont renoncé à leur projet. D’autres ont vu leur pouvoir d’achat fondre à chaque hausse des taux. Concrètement, un couple de primo-accédants ayant 3 000 euros de revenus net par mois et 30 000 euros d’apport était en mesure, en 2022, d’acheter un bien supérieur à 200 000 euros, frais d’agence et de notaire compris, grâce à un taux de 1,5 %. Aujourd’hui, avec le même apport et un taux de 4 %, leur enveloppe n’est plus que de 160 000 euros ! Les 40 000 euros de différence leur serviront à rembourser leur crédit et à couvrir les intérêts supplémentaires.
En un an, tout a changé… et cela devrait continuer
Pour compenser une telle perte, il faudrait que les prix aient chuté, sur une seule année, de… 20 %. Or on est bien loin du compte. La baisse n’excédera pas 5 % en moyenne en 2023, selon la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). « Il faut faire le deuil des surfaces que certains copains ont pu acheter il y a un an ou deux, avec un budget identique », avoue Maël Bernier, porte-parole du réseau de courtiers MeilleursTaux.
Il y a deux ans, Romain Fisch, 27 ans, a eu du flair : « Je me suis dépêché d’acheter un 35 mètres carrés à Paris, fin 2021, avec un prêt à 1,05 %… » Et un apport non négligeable de 30 000 euros. Ce professionnel de la finance ne pourrait simplement plus faire cette acquisition aujourd’hui. Rien n’est toutekeypdf fois perdu pour les candidats à l’achat : en rusant et en faisant quelques concessions, il est encore possible de réussir ses premiers pas sur le marché immobilier, comment l’attestent les trois témoignages que nous avons recueillis pour ce dossier. Voici six conseils à garder en tête avant de vous lancer.
1/ Demandez une simulation bancaire
Première chose à faire ? Contactez votre banque ou un courtier. Vous connaîtrez ainsi le budget dont vous disposez et pourrez prospecter efficacement. Par ailleurs, la simulation bancaire qui vous sera délivrée uniquement si vous êtes jugé éligible à un crédit , précisant combien vous pouvez emprunter et à quel taux, rassurera considérablement les vendeurs sur votre solvabilité… et vous permettra de négocier lorsque vous trouverez le bien de vos rêves. « Seuls 40 % des emprunts demandés sont actuellement octroyés, ce qui, avec la clause suspensive (l’acheteur peut renoncer au bien s’il ne trouve pas le financement nécessaire dans le temps imparti, sans avoir à payer de dédommagement, NDLR), signifie qu’un grand nombre de compromis de vente n’aboutissent pas, prévient Éric Debèse, fondateur de Made in courtage. Les vendeurs feront plus facilement des concessions sur le prix s’ils ont l’assurance que vous irez jusqu’au bout. »
Cette simulation est même devenue un véritable sésame. « Malgré mes 90 000 euros d’apport et mon CDI, les vendeurs exigeaient ce document, témoigne une directrice artistique parisienne de 29 ans, qui vient de se positionner, avec son conjoint, sur un appartement du 18e arrondissement. Grâce à cela, j’ai pu rassurer les vendeurs et négocier, en échange, une baisse de prix, 540 000 euros au lieu de 580 000. » Pour les primo-accédants en CDD, hélas, il devient difficile d’acheter, à moins d’être salarié d’un secteur en tension, comme la restauration ou la santé. Les entrepreneurs, eux, doivent justifier de trois à cinq ans de bilan stable ou en croissance, y compris pendant les années de confinement, en 2020 et 2021.
Présenter aux vendeurs une simulation bancaire, précisant combien vous pouvez emprunter, les rassurera sur votre solvabilité
2/ Apprivoisez le marché
Concentrez-vous sur les zones où les prix reculent, et où vous pourrez réaliser de bonnes affaires. C’est le cas à Paris. « Ceux qui ont de l’apport, notamment grâce à leur famille, ont un boulevard qui s’ouvre devant eux, note Ludovic de Jouvancourt, cofondateur de Prello, qui vient d’acquérir la start-up spécialisée dans la chasse de biens, baptisée Je rêve d’une maison. Non seulement la baisse moyenne dans la capitale est de 5,5 %, mais elle est plus importante sur les appartements visés par les primo-accédants, c’est-à-dire ceux dont le prix affiché oscille entre 150 000 et 500 000 euros. Certains quartiers sont aussi fortement « négociables », au-delà même des 10 %, comme Ramey ou la Goutte d’or, dans le 18e », ajoute Brice Moyse, directeur des agences Immopolis.
Ailleurs en France, cela commence aussi à baisser, mais de manière très inégale. « En un an, depuis l’été dernier, le prix moyen a dévissé de 17 % à Rennes, et de 11 % à Mulhouse », annonce Guillaume Martinaud, président de la coopérative Orpi. Selon leurs chiffres, d’autres villes sont concernées : – 9 % à Nantes (3 364 euros le mètre carré), – 8 % à Clermont-Ferrand (1 782 euros), – 7% à Bordeaux (4 452 euros)… « Dans ces communes, les primo- accédants ont conservé du pouvoir d’achat, poursuit-il. Dans d’autres, comme Rouen, Nevers ou Cannes, cela peut valoir le coup d’attendre. »
À Paris, les prix ont baissé en moyenne de 5,5 %… Ailleurs en France, cela commence aussi à diminuer, mais de manière inégale
Des pistes souvent négligées par les acquéreurs peuvent aussi se révéler intéressantes. Pensez à surveiller les ventes aux enchères notariales ou, en fonction de vos revenus, à acheter dans le parc social (lire le témoignage ci-contre). Dans le parc privé, vous pouvez aussi rester locataire de votre résidence principale et réaliser une première acquisition en investissement locatif. Une façon de mettre un pied à l’étrier sans sacrifier votre qualité de vie. « Au début, je cherchais une résidence principale, mais j’ai compris que, si j’achetais, je devrais diviser la surface par deux », raconte Laure Gravier, architecte d’intérieur, 31 ans. Elle a donc investi dans un petit deux-pièces rue de la FolieMéricourt, à Paris (11e), qu’elle a refait à neuf. Résultat, avec un budget total de 260 000 euros, elle perçoit un loyer de 1 000 euros par mois tout en conservant son appartement actuel.
3/ Optez pour un bien avec travaux
Pour réduire l’addition, ciblez des biens à retaper. Non seulement les travaux peuvent s’étaler dans le temps (lire le témoignage p. 58). Mais ils constituent, en prime, un excellent levier de négociation. Pour la première fois depuis le Covid, la décote que vous obtiendrez pourra dépasser le coût des travaux que vous facturera un artisan. Si vous prenez en charge vous-même le chantier, vous serez triplement gagnant : vous économiserez sur le prix d’achat, les frais de notaire ainsi que sur la main-d’oeuvre. N’écartez pas non plus la possibilité de faire construire votre résidence, après avoir acquis le terrain adéquat (lire p. 62). Attention, toutefois : les matières premières coû- tent plus cher qu’avant. Pensez à prendre en compte cette hausse dans votre budget. « Nous avons dû renoncer à un projet de rachat d’une maison familiale en Loire-Atlantique, explique Victoria Beaumont, auxiliaire de puériculture de 29 ans. Un délai administratif nous a retardés. Entretemps, les devis ont explosé, et nous n’avons plus eu les moyens d’acheter. » Elle a finalement confié la prospection à un chasseur de maisons pour aller plus vite, et anticiper une nouvelle hausse des prix l’année prochaine. Le gouvernement a en effet évoqué la possible augmentation de la TVA sur les travaux d’entretien ou d’amélioration, qui passerait de 10 % à 20 % dans le cadre de la loi de finances 2024, votée d’ici à la fin de l’année. « Nous recherchons toujours un bien avec travaux à faire. Cela nous permettra de conserver notre pouvoir d’achat, puisque nous pouvons prétendre à un prêt à taux zéro jusqu’à 75 000 euros », explique l’auxiliaire de puériculture. Ce PTZ « logement ancien », sous condition de ressources, permet de financer l’acquisition et les travaux : ces derniers doivent représenter 25 % du budget total. Il est accessible dans les zones dites « détendues » (B2 et C), notamment des villes moyennes comme Gap, Angoulême, Beaune, Dinan, Brest, Chalon-surSaône ou Vienne.
La nécessité de prévoir une rénovation constitue un excellent argument pour faire baisser les prix
4/ Osez la passoire thermique
Lorsque les travaux concernent l’isolation thermique, il est possible d’obtenir encore davantage d’aides. Les ménages modestes et intermédiaires bénéficient ainsi de subventions importantes, comme MaPrimeRénov’. Cette dernière, dont le montant est conditionné aux revenus, peut être particulièrement intéressante pour des primoaccédants en début de carrière ou avec enfants. Mais, surtout, acheter un bien affichant un diagnostic de performance énergétique (DPE) F ou G permet de faire baisser le prix de la maison… du moins dans certaines régions. « Les négociations de prix sur les passoires thermiques sont très inégales », alerte Romain Villain, directeur général de Heero, une société qui accompagne des particuliers souhaitant investir dans des biens à isoler. Selon ses statistiques, la décote entre une maison étiquetée F et G, par rapport à un bien en D, est de 19 % en Nouvelle Aquitaine, 14 % dans le GrandEst et le Centre-Val-de-Loire, 12 % en Bretagne, contre seulement 6 % en Auvergne-Rhône-Alpes et en Île-de-France. « Si vous achetez 200 000 euros une maison de 100 mètres carrés nécessitant 50 000 euros de travaux d’isolation, le montant du chantier sera couvert par la valorisation de la maison, de 20 % en moyenne », pointe Romain Villain. Et cela sans compter sur les subventions ou les prêts bonifiés, ces crédits offrant des taux préférentiels pour certaines catégories d’achats ou de clients, notamment les primo-accédants. Ni l’éventuelle plus-value sur l’amélioration du standing de la maison.
Les ménages modestes et intermédiaires bénéficient de subventions importantes sur les travaux d’isolation
Opter pour une passoire thermique permet ainsi d’optimiser votre financement. Sans condition de revenus, vous pouvez d’emblée bénéficier d’un écoPTZ jusqu’à 50 000 euros. Ensuite, les banques peuvent alléger le montant de votre crédit. Certaines d’entre elles, en particulier les mutualistes, proposent des prêts bonifiés dits « verts », soit pour des biens très économes en énergie, soit pour des passoires thermiques avec projet de rénovation. Cet été, par exemple, la Caisse d’épargne Normandie proposait un taux de 1 % jusqu’à 10 000 euros; la Caisse d’épargne Île-de-France, 0 % jusqu’à 80 000 euros; le Crédit agricole Côte d’Azur, 1,5 % jusqu’à 15 000 euros; LCL, 1,99 % jusqu’à 20 000 euros…
5/ Montez votre financement sans tarder
Une fois la perle rare trouvée, reste à décrocher le financement. En passant par un courtier, vous pourrez faire jouer la concurrence, mais aussi trouver le montage le plus adéquat pour vous (PTZ, prêt d’accession sociale avec peu de frais de dossier, prêts bonifiés…). Surtout, il vous aidera à composer avec plusieurs échéances et montants de remboursement, c’est-à-dire plusieurs lignes de crédit. « Parfois, certains montages entraînent des gains significatifs. Cela peut être le cas avec un prêt sur vingt-cinq ans et un autre sur quinze ans, souligne Sandrine Allonier, porte-parole de la plateforme Vous Financer. La connaissance du marché a beaucoup plus d’impact aujourd’hui, et le gain se chiffre en milliers d’euros d’économie. » « Il existe aussi des différences de taux de 0,30 à 0,70 %, en fonction des profils d’acheteurs et des banques, et en fonction des régions, précise Éric Debèse, fondateur du label Made in courtage. Ces offres commerciales changent désormais toutes les quinzaines. » D’où l’intérêt de solliciter un professionnel bien renseigné, et de faire vite. « Les taux continuent de monter à un rythme record. Attendre peut vous coûter cher, voire remettre en cause la faisabilité de votre projet. Un courtier vous fera assurément gagner un temps précieux », souligne Amélie Lagadec, du réseau de courtiers Cafpi.
6/ Négociez le coût de l’assurance
La donne a aussi changé pour l’assurance emprunteur. Alors qu’il était très avantageux de trouver un contrat « hors banque », la meilleure chose à faire aujourd’hui est d’accepter l’assurance proposée par votre établissement bancaire afin d’aller plus vite et, ainsi, de sécuriser votre taux d’emprunt. « Les banques font désormais un vrai effort en direction des moins de 35 ans, pour lesquels le risque est mieux contrôlé, indique Sandrine Allonier, de VousFinancer. Les tarifs baissent à 0,15, voire 0,10 %. » N’hésitez pas à solliciter un tel geste, les primo-accédants étant des profils peu risqués pour les banques.
Et si vous n’avez pas obtenu ce que vous espériez, vous aurez toujours la possibilité de changer d’assurance au bout d’un an ce que permet la loi Lemoine de 2022. « Entre deux assurances, le coût passe parfois du simple au triple », observe Maël Bernier, de Meilleurstaux. Ou, mieux, de renégocier votre contrat avec votre banque. Un jeune couple, couvert pour un financement de 200 000 euros, peut facilement ramener ses mensualités de 1 312 euros à 1 245 euros. Une façon, pour l’établissement, de vous fidéliser… en vue d’un éventuel futur achat.
Alors que la priorité, aujourd’hui, est de faire vite, il est judicieux d’accepter l’assurance proposée par votre banque.
Retrouvez l’intégralité de l’article dans Le Parisien Weekend.
SPÉCIAL IMMOBILIER, vendredi 22 septembre 2023