Addiction aux médicaments : ce centre unique en France aide les patients à sortir du « cauchemar »
« Les opiacés, ça vous isole, ça vous rend méchant, ça vous commande. Et, surtout, je n’aurais jamais cru être concernée, surtout à cause d’une ordonnance médicale. » Pour Mina1, 36 ans, tout commence par un accident de la route, puis une opération délicate des cervicales. Après la chirurgie, elle repart avec une ordonnance pour un antidouleur du type opioïde (dérivé de l’opium, comme l’héroïne), le Tramadol. Sans s’en rendre compte, elle en devient dépendante à ce médicament. « Je n’étais plus moi-même mais je ne pouvais pas envisager qu’un médicament puisse être la cause de ce cauchemar », poursuit cette Lyonnaise, mère de deux enfants.
Une problématique « en augmentation constante »
Cette histoire est représentative du développement d’addiction aux médicaments, souvent des antidouleurs opiacés mais aussi des anxiolytiques de la famille des benzodiazépines ou des antiépileptiques de type prégabaline. Ces derniers, prescrits pour soulager un patient, ont un effet délétère sur le long terme. « La problématique de dépendance à ces médicaments a toujours existé mais elle est en augmentation constante depuis des années, explique le docteur addictologue Benjamin Rolland. Or, les CHU n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour traiter ce genre d’addiction spécifique, qui demande parfois des préparations magistrales de pharmaciens ou des procédures de décroissance propre à chaque molécule et aux besoins du patient. »
Alors, avec le financement de l’Agence régionale de santé (ARS), le docteur Rolland et son équipe créent le Centre ressource lyonnais des addictions médicamenteuses (Cerlam). Un lieu unique en France. Il se trouve dans le service addictologie de l’hôpital Édouard-Herriot de Lyon (Rhône) et a pour vocation d’aider spécifiquement des patients tombés dans l’addiction sur ordonnance. En un an d’exercice, le service a déjà pris en charge plus de 75 patients.
« Ce champ d’exercice de la médecine est passionnant, relate le docteur Julia de Ternay, en dernière année d’internat dans le service. Il permet une approche transversale de la médecine en traitant des questions psychiatriques et sociétales. » Ainsi, pour résoudre le problème d’addiction, le travail se mène sur le champ du sevrage mais aussi de la cause profonde, du besoin ayant poussé à prendre le médicament dans un premier temps.
Faire de la prévention
« Je suis dépendante au Rivotril (de la famille des benzodiazépines) que je prends depuis plus de trois ans et au Lyrica (prégabaline) à cause du syndrome des jambes sans repos et d’insomnies lourdes, témoigne Claire1, 55 ans. Je viens ici pour ma première consultation. J’ai réalisé deux choses : que j’avais besoin d’aide pour apprendre à m’en passer et que je devais mener des changements majeurs dans ma vie. » Ainsi, cette ancienne agente immobilière a décidé de fermer son agence pour se reconvertir dans la céramique. Elle travaille également sur le plan psychologique. « Avant, je traitais les symptômes de mes difficultés et, là, je m’attaque au fond : avec cette décision, je dors déjà mieux », raconte-t-elle avec un sourire encore hésitant.
Mais surtout, le Cerlam a pour but de faire de la prévention. « L’avantage est qu’ici la majorité des patients nous sont adressés par un médecin référent, poursuit Julia de Ternay. Nous pouvons alors parler d’addictologie avec des généralistes, un sujet trop souvent tabou. » Après un an, le Cerlam espère ainsi essaimer : créer des procédures pour accompagner les patients à destination des médecins traitants et pharmaciens, tisser des partenariats avec des centres antidouleurs et de lutte contre le cancer et, éventuellement, accompagner le développement de nouveaux centres dans d’autres villes.
* Les prénoms des patientes ont été changés.