Travail détaché : coup de semonce contre les abus

Travail détaché : coup de semonce contre les abus

Ce 5 mai, le tribunal de grande instance de Lyon jugeait une entreprise pour abus multiples quant aux conditions de travail de 24 salariés détachés. Un procès – pour l’exemple – à haute teneur politique. Mediacités y était.

Ils s’appellent Dariusz, Grezgorz, Pavel, Zygmunt ou Karol. Vendredi dernier, le 5 mai 2017, la 5e chambre du tribunal de grande instance de Lyon (TGI) s’est penchée sur le sort de 24 ouvriers polonais embauchés en travail détaché. Seul média présent, Mediacités a suivi cette audience édifiante à plus d’un titre sur la réalité des salariés “détachés”… En 2015, ces hommes ont posé parquets, linos et moquettes pour la société lyonnaise Tapis François Entreprise. Cette très petite entreprise qui, cette année-là, a réalisé un chiffre d’affaires d’un peu plus de 5 millions d’euros, présente des références aussi prestigieuses que les tours Oxygène et Incity, et emploie une dizaine de salariés.

Mais Dariusz, Grezgorz et les autres ne faisaient pas partie de cet effectif car ces ouvriers étaient intérimaires, employés par la société polonaise PQG Services. Celle-ci les « détachait » pour travailler en France. Et tout cela aurait pu se révéler parfaitement légal et conforme à la directive européenne de 1996. Oui, mais…

Jusqu’à 16 heures de travail par jour

PQG Services et Tapis François Entreprise ont omis un détail : en travaillant sur le sol français, les Polonais étaient soumis au droit du travail français. Or, « du 5 janvier au 25 septembre 2015, les salariés ont dépassé la durée maximale hebdomadaire absolue du travail de 48 heures à 132 reprises, annonce la présidente de la 5e chambre du TGI. Et à neuf reprises, la durée dérogatoire (…) en cas de circonstances exceptionnelles de 60 heures ». Selon nos informations, les journées de travail auraient duré de 12 à 14 heures, voire 16 heures.

Face à la présidente, le directeur général de la société Frédéric Franc ressemble à un enfant embarrassé. Son regard, fuyant, tente d’accrocher celui de son avocate, et sa voix devient presque inaudible. « Je ne vous entends pas, veuillez parler plus fort », intime la magistrate. La réponse devient distincte, le temps d’une phrase : « Je ne nie pas les heures supplémentaires ». A la question de savoir pourquoi Tapis François Entreprise a choisi de recourir à une société polonaise, le dirigeant écarte la justification économique : « Les prestations proposées [par PQG Services] coûtaient 24 euros de l’heure contre 25 euros pour une entreprise d’intérim française. Mais cette main d’œuvre était qualifiée ». « Le droit du travail n’a pas été respecté. C’est plus facile avec des entreprises d’intérim polonaises qu’avec des françaises. Vous trouvez qu’il y avait la même rigueur ? », questionne la magistrate. « Non », répond sobrement Frédéric Franc.


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Article réalisé avec Eva Thiébaud, dans le cadre du collectif Porte Voix