Le gendarme de la Bourse en soutien aux PME
L’AMF a créé l’an dernier une « task force » dédiée aux PME. Objectif : informer, expliquer et dédramatiser la Bourse, en se rapprochant des entreprises.
Trop complexe, trop de normes, trop de risques de sanctions… La peur du gendarme est souvent évoquée par les PME et ETI quand il s’agit d’entrer – ou plutôt de ne pas entrer – en Bourse. Aujourd’hui en France, moins de 600 des 145.300 PME et ETI (Insee, 2017) en France sont cotées ! Depuis 2013, avec la création d’Enternext et la volonté affichée de Middlenext d’être plus accessible aux petites entreprises, il y a eu 106 introductions en Bourse de PME-ETI à Paris. Cela constitue un flux de seulement une vingtaine d’entreprises nouvelles sur le marché par an. « Face à ce contexte macroéconomique et dans la logique de son nouveau plan stratégique, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a décidé début 2018 de créer une ‘task force’ interne, composée de 9 personnes de différentes directions, dédiée au PME et ETI, explique Pauline Chadenet, de la direction régulation et affaires internationales. Nous souhaitons accompagner, sur le plan normatif, mais aussi opérationnel, les PME et ETI qui représentent 80 % des 700 entreprises cotées sur Euronext Paris. » Au préalable, Etienne Cunin gérait à lui seul les relations avec les petites entreprises. Il était reconnu pour son travail de pédagogie. « Mais nous avions parfois le sentiment qu’il était un peu seul dans ce rôle, compte tenu de l’ampleur du sujet, note Philippe Lussiez, directeur administratif et financier d’Egide, entreprise industrielle valorisée à 12 millions d’euros sur le compartiment C d’Euronext. La création récente d’une équipe PME-ETI au sein de l’AMF est une bonne nouvelle, car elle traduit une prise de conscience du besoin accru de collaboration entre les émetteurs et le régulateur. »
Veille et accompagnement
En effet, l’AMF ne se contente pas de sanctionner. Il y a déjà eu un véritable travail de pédagogie et d’échange avec les dirigeants. « Je me permets facilement d’appeler mon chargé d’affaires pour l’informer de nos projets très en amont et n’hésite pas à valider avec lui la solution sur le plan réglementaire », poursuit Philippe Lussiez. Pour l’augmentation de capital d’Egide, lancée en février 2017 pour une acquisition, Philippe Lussiez était dès le mois de novembre précédent dans les bureaux de l’AMF. « Mon chargé d’affaires a ainsi pu anticiper en interne les travaux de contrôle, en lançant par exemple la revue de notre document de référence, précise-t-il. Nous avons obtenu le visa dans des délais très courts. »
De nombreux directeurs financiers expérimentés sont prêts à ce dialogue. « Nous voyons l’AMF comme un soutien, explique Olivier Stéphan, directeur général adjoint de Visiativ, éditeur de logiciels et intégrateur de solutions logicielles coté actuellement pour 58 millions d’euros sur Euronext Growth. Nous comptons sur ses équipes lors d’opérations majeures comme notre augmentation de capital de décembre 2017, mais aussi pour son partage d’expertise, de plus en plus sous forme de réunions, y compris en région. Ce sont des ressources précieuses pour une entreprise à taille humaine et en forte croissance comme la nôtre. »
Récemment à Lyon, l’institution a organisé un atelier avec des entreprises sur le sujet du « prospectus ». Soixante-dix PME étaient présentes. D’autres événements de ce genre ont eu lieu, sur le reporting harmonisé européen XBLR, très demandé par les dirigeants. « Cela fait partie des actions de la ‘task force’, explique Diane Coudert, de la direction des émetteurs de l’AMF. Nous avons également remis au goût du jour les visites de PME, pour mieux connaître les émetteurs. » L’institution essaie aussi de bien comprendre les besoins des entreprises qui sont récemment entrées en Bourse, ces trois dernières années, pour les accompagner au mieux. « Notre objectif est de montrer les avantages compétitifs à être coté, ajoute-t-elle. Certes, la régulation boursière est contraignante mais elle peut aussi les faire mûrir : les dirigeants réfléchissent déjà à la RSE, à leur mode de gouvernance, à la circulation des informations en interne… » Pour rendre cela possible, l’AMF fait donc un travail de veille et d’accompagnement pour que l’évolution réglementaire ne crée pas de mauvaise surprise. « Et, surtout, nous portons la voix des PME à Bruxelles, ajoute Pauline Chadenet. Nous défendons l’idée qu’il leur faut des obligations allégées pour profiter du financement de croissance par la Bourse. »