Complémentaire santé : le spectre d’une nouvelle guerre tarifaire

Complémentaire santé : le spectre d’une nouvelle guerre tarifaire

Après la mauvaise expérience vécue lors de l’ANI, les courtiers grossistes refusent de se livrer à une nouvelle guerre des tarifs dans la complémentaire santé. Pour cela, ils jouent la carte de la fidélisation des clients finaux et de leur réseau de courtiers.

Soyons clair : la résiliation infra-annuelle des contrats de complémentaires santé est une bonne nouvelle pour les consommateurs et pour les courtiers de proximité, qui ont une bonne approche du conseil, annonce Christian Belval, directeur du développement du groupe April. Mais cela peut vite se retourner contre le consommateur si cette liberté de résiliation se traduit par une course au prix, avec une recherche des contrats moins-disants pouvant cacher de mauvaises surprises au moment d’un incident de santé. »

Le point de vue de Christian Belval est partagé par ses concurrents. Cette possibilité de rompre un contrat n’importe quand dans l’année, après la première année de souscription, facilitera la mise en concurrence… au risque de rendre la compétition plus agressive. à l’instar de la généralisation de la complémentaire santé, le risque est que, dans un paysage complexe, les clients cherchent seulement à limiter les coûts sans prendre en compte les garanties. « Avec la crise économique, il est probable que cela soit le réflexe naturel des consommateurs », explique Jean-Paul Babey, président d’Alptis Assurances. Le résultat pourrait être catastrophique : des marges rognées pour l’ensemble des acteurs, comme c’est déjà le cas en collective.

Des clients fidélisés

Cette inquiétude amène les courtiers grossistes à se positionner, dans cette phase préparatoire à la résiliation, sur leur devoir de conseil et sur des offres fidélisantes pour les consommateurs. « C’est un point qui a toujours été important et l’est encore plus aujourd’hui, explique David Trohel, directeur des partenariats et du marketing produit du groupe Santiane. Outre l’indispensable signature électronique pour la vente à distance, nous optimisons continuellement nos outils pour favoriser le conseil et l’accompagnement. Chez Santiane, nos conversations téléphoniques durent une heure et quart en moyenne, ce qui prouve la qualité de l’échange et la nécessité de notre accompagnement. »

Solly Azar propose aussi un suivi qualitatif des ventes. « Nous le faisons dès que nous mettons en place un nouveau partenariat avec un courtier spécialiste santé, et systématiquement en cas d’appels de clients pour lesquels la vente à distance a été mal appréciée, explique Christel NKuindji, responsable produits assurance de personnes. Nous veillons particulièrement à la bonne compréhension de ce qui leur a été vendu. »

Pour April, la réponse consiste à donner aux courtiers plus de fluidité et d’offres, et de soigner la pédagogie dans le parcours de souscription pour leurs clients. « Cela se traduit aussi par un renforcement de nos actions directes de fidélisation, résume Christian Belval. Nous avons mis en place une équipe de relation client dédiée dotée de moyens propres, au service des courtiers, pour retenir et fidéliser les clients attirés par des offres alléchantes mais moins couvrantes. » Concrètement, cette cellule appellera les familles en cours de résiliations pour expliquer les services auxquels ils renoncent en partant vers la concurrence.

À cela s’ajoute une très grande vigilance. « Nous n’hésitons pas à fermer un plateau si nous jugeons que les ardeurs commerciales contreviennent au devoir de conseil des courtiers, ajoute-Christian Belval. Et nous facilitons le contact direct avec les assurés pour détecter ce genre de pratiques, heureusement très rares à ce jour. » De plus en plus de grossistes font ainsi le pari d’invalider des signatures de contrats, pour éviter de gérer ensuite des déconvenues.

Des courtiers chouchoutés

Pour autant, le groupe April apporte une attention particulière à ses courtiers de proximité et a développé une marketplace qui permet d’aller plus loin dans l’exercice des devis, faisant des simulations de prix, mais offrant aussi des informations clés pour la qualité de conseil. Le but est de prêter attention à ces professionnels de terrain. « Nous avons surtout pris soin de les cocooner, rappelle Jean-Paul Babey, président d’Alptis Assurances. Nous les avons eus au téléphone en faisant notre métier de pédagogie et de contact, pour leur permettre de jouer leur rôle auprès des clients finaux même après ce revers de la crise du Covid-19. C’est en les accompagnant dans des moments comme ceux-là que nous confortons notre réseau. »

Les challengers sont aussi dans une optique de fidélisation. Wazari, le nouvel entrant de la santé depuis fin 2018, mise également sur cette stratégie avec une offre au nom évocateur, Fidelity. Le principe est simple : plus un client reste, plus ses niveaux de couverture augmenteront à tarif égal. Ce bonus s’accroît chaque année, rendant le contrat de plus en plus attractif. Mais cette fidélisation ne s’arrête pas là. Elle touche aussi les intérêts directs du courtier distributeur. « Nous rémunérons l’apporteur un peu plus chaque année, afin qu’il ait une prime à la fidélisation de son client », précise Hervé Massié, directeur général de Wazari.

Enfin, les courtiers jouent collectif et prennent en compte les enjeux des assureurs, en travaillant à limiter deux effets d’aubaine liés à la résiliation infra-annuelle. Les assurés pourraient, par exemple, se faire payer une prestation dentaire jusqu’à un certain plafond, puis changer d’assurance pour continuer ses soins. Même chose pour l’optique, où un opportuniste pourrait opter pour une autre mutuelle afin de changer de lunettes tous les ans, contrairement au principe de contrat responsable.

L’autre effet redouté se cache plutôt du côté des professionnels. « Nous craignons de la sur-facturation de prestations jouant à la fois sur des résiliations infra-annuelles et sur le panier 100 % Santé, tandis que le client ne peut pas vérifier la facture, explique Sidney Mbassi, directeur adjoint en charge du développement chez Praeconis. Notre enjeu, notamment parce que nous avons des assureurs maison, sera alors de maîtriser la fraude ! »

Encadré :

Débat sur un report

Les assureurs ont largement communiqué sur leur volonté de reporter la réforme de la résiliation infra-annuelle des complémentaire santé, prévue pour le 1er décembre 2020. Pierre François, le directeur général de Swiss Life prévoyance et santé, a ainsi évoqué une volonté de « bien faire ». Les trois principales fédérations de la profession (FFA, CTip et FNMF) ont également demandé un délai de six mois. Les courtiers grossistes, quant à eux, sont unanimes : non seulement ils sont prêts mais, avec la crise actuelle, les consommateurs ont tout à gagner à pouvoir maîtriser ce poste budgétaire important et contraint. Seule inquiétude encore partagée par tous : le délai d’édition des cartes de tiers payant et le risque de chevauchement entre deux complémentaires, qui pourraient provoquer des délais de remboursement allongés.

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