L’assurance engagée dans le financement de secteurs essentiels

L’assurance engagée dans le financement de secteurs essentiels

Pour accompagner la reprise de l’économie après la crise sanitaire, les assureurs se sont engagés à investir 1,5 Md€. Un programme d’investissement qui s’appuiera, entre autres, sur les fonds de prêt à l’économie Novo et Nova.

Tandis qu’une dissension historique divise les assureurs sur la question de la perte d’exploitation sans dommages, les assureurs se réunissent et s’entendent en tant qu’investisseurs institutionnels. Ils relancent dans un effort commun les fonds Novo et Nova pour soutenir l’économie. À la manoeuvre, le trio de tête qui avait déjà oeuvré en 2012 pour le premier lancement de ces fonds dans le contexe de la crise des dettes souveraines. Antoine Lissowski, directeur général de CNP Assurances, Jean Vecchierini de Matra, délégué général du groupement français des bancassureurs, et Thierry Giami, président fondateur de NOVE Im et ancien haut fonctionnaire, remettent donc le couvert. L’idée d’un plan d’investissement massif séduit. « J’ai proposé de relancer les fonds Novo et Nova qui ont déjà fait leurs preuves en finançant les PME et ETI, pour apporter très rapidement des liquidités en période de sous-investissement, explique Antoine Lissowski. Nous avons besoin de plus de médicaments produits en France, de plus d’usines sur le territoire national, de soutenir les entreprises à passer un cap qui s’annonce difficile… »

Climat d’harmonie

« L’idée émise par Antoine Lissowski m’a immédiatement séduit et ce projet dont on m’a confié le pilotage s’inscrit dans la lignée des anciens fonds Nov que j’avais initiés de 2012 à 2015 », rappelle Jean Vecchierini de Matra. Dès lors, les choses s’enchaînent très vite en liaison avec la Caisse des dépôts. Jean Vecchierini de Matra constitue une task force de six assureurs issus de toutes les familles (bancassurance, assureurs traditionnels et assureurs mutualistes) qui fonctionne, selon lui, « à l’écart de certaines turbulences actuelles, dans un climat d’harmonie exemplaire ». Les assureurs s’engagent à injecter plus de 1,5 Md€ le plus rapidement possible. « Nous avons eu des engagements de 5 à 300 M€ par assureur selon la taille et l’implication des compagnies, explique Jean Vecchierini de Matra, qui préside également la commission des investissements de la Fédération française de l’assurance (FFA). Et toutes ces promesses seront intégralement tenues ! »

L’État négocie aussi, pour faire avancer ses dossiers. « Bercy nous a fortement encouragés à dépasser le milliard d’euros et à orienter 10 % des investissements vers le tourisme, explique Antoine Lissowski. Nous avons répondu facilement à sa demande. Et nous souhaitions tous soutenir le secteur de la santé après cette crise sanitaire. » Concrètement, tout cela se traduit par une relance en trois phases. La phase la plus ambitieuse est le segment santé, le « segment C ». Il s’agit de financer divers pans de la santé allant des infrastructures hospitalières aux biotechs, en passant par la relocalisation de la production de molécules essentielles en France pour gagner en autosuffisance. 40 % des fonds seront alloués à cela.

Gestion en interne

C’est là que l’apprentissage sera le plus fort : il faudra créer des cahiers des charges, lancer des appels d’offres et trouver des gestionnaires spécialisés. Le segment C mettra un peu de temps à se lancer. Il faudra bien déterminer les critères des fonds pour s’assurer que l’argent ne permet pas d’acheter des actions de grands groupes mais bien de soutenir des initiatives innovantes ou favorisant l’autosuffisance française dans l’industrie de la santé.

Le segment B, de 40 % lui aussi, correspond à l’équivalent des fonds Novo et Nova qui seront lancés, avec de nouveaux appels d’offres. La structure sera la même mais les cahiers des charges sont réécrits. Non seulement cela permet d’ouvrir de nouveau la concurrence, mais cela peut aussi permettre à certains de garder la main sur leurs propres investissements. « Des compagnies d’assurance pourront ainsi confier la gestion des portefeuilles à une filiale spécialisée de leur groupe, explique Thierry Giami. Nous aurons une politique commune. » Les termes en seront définis dans une convention. Les fonds d’investissement recevront un agrément donné par la profession. Et chaque assureur choisira ses spécificités d’investissement.

L’enjeu sera alors de mesurer l’effort supplémentaire de chaque assureur pour vérifier qu’il sera bien à la hauteur de l’engagement initial. Car s’ils gardent la main sur les placements, comment faire la différence avec leurs placements habituels d’investisseurs institutionnels ? « Nous pensons que l’autocontrôle est la façon la plus adaptée de piloter le programme, affirme Thierry Giami. La fédération assurera ce reporting pour la communauté des sociétés d’assurance. » En tout cas, une chose est sûre, les assureurs du segment B du programme injecteront 10 % du montant global, soit 150 M€, dans le tourisme.

La première ligne, celle qui pourra être déployée dès le mois de juin, est le segment A du programme. « L’idée initiale était de financer très vite les entreprises, donc d’utiliser les outils financiers qui avaient déjà fait leurs preuves », explique Thierry Giami. Et pour cela, relancer les fonds Nov existants, en y réinjectant des capitaux, était le moyen le plus simple d’opérer. Sophie Elkrief, directrice des Investissements à la Maif, est en charge de la relance du segment A, avec Laurent Deborde, de la CDC.

Simplicité, rentabilité

« Notre objectif est clair : soutenir les PME et ETI françaises sur le long terme et ce rapidement, soit dès les mois de juin, en fonds propres (Nova, et peut-être Novi) ou en dettes privées (Novo) », explique-t-elle. Si ce segment ne représente que 20 % de l’enveloppe globale, il a pour but de mettre des capitaux longs à disposition très vite pour donner de la visibilité aux entreprises.

« La réouverture des fonds Nov a le mérite de la simplicité, tout en adaptant ces véhicules financiers au contexte pour les rendre attractifs et encourager les investisseurs institutionnels à investir », conclut Sophie Elkrief. En clair, ces fonds soutiennent l’économie, certes, mais doivent rester avant tout de bons investissements.

Retrouvez l’intégalité de l’article dans L’Argus de l’assurance, no. 7660 => Les décryptages, vendredi 29 mai 2020 1160 mots, p. 16,17