Les cadres de la banque font leur Tour de France
A condition d’être mobile, la province offre qualité de vie et perspectives de carrière. Mais pour se hisser à un niveau élevé de management, la case parisienne reste un passage obligé.
« J’encadre 1.500 personnes dans le réseau des agences LCL des régions Paca (Provence Alpes Côte d’Azur) et Corse, pour les fonctions commerciales ou supports (RH, risque, immobilier, engagements crédits…). Je n’aurais pas eu ce poste si je n’avais pas évolué dans différentes régions, pris à chaque fois plus de responsabilités et fait mes preuves sur des périmètres élargis. Cette mobilité m’a permis de me surpasser. » Régis Abgrall, 48 ans, a une femme enseignante, deux enfants de 16 ans et 12 ans et une belle carrière. Entré il y a 23 ans au Crédit Lyonnais (devenu LCL en 2005), il y a progressé grâce à sa mobilité géographique et fonctionnelle. « C’est une volonté personnelle, mais aussi un choix familial », confie le banquier. Pour chaque destination, un conseil de famille se réunit.
Ce type de parcours n’est pas rare dans le secteur bancaire mais il demande d’accepter de bouger. « Certes, les banques sont en train de supprimer des postes mais nous avons tout de même beaucoup de recrutements en région, note Martin Villelongue, directeur exécutif de Page Group. A
cause des départs en retraite et de nombreux cadres qui ne souhaitent
pas être en mobilité, les banques ont du mal à pourvoir des postes de
direction d’agence et de cadres spécialisés dans des directions
régionales. Nous recrutons aussi bon nombre de conseillers en gestion de
patrimoine. » « Il y a également des besoins importants en
fusions-acquisitions, complète Frédéric Aymonier, associé fondateur de Fitch Bennett Partners. Il existe de belles institutions de M&A dans de grandes villes, qui se concentrent sur les PME et ETI régionales. »
Résultat ? En interne ou en externe, déménager ouvre des portes. Si
elles souhaitent pourvoir leurs postes régionaux, les banques sont
capables de faire confiance à un cadre désireux d’évoluer.
Mieux, les établissements bancaires chouchoutent les cadres qui acceptent de partir, avec des financements pour le déménagement de leur famille, ainsi que des aides au logement. « Objectivement, il n’y a aucun risque, l’accompagnement est de qualité en interne comme en externe », relève Martin Villelongue. Souvent, les cadres passent d’un poste à l’autre en ajoutant, à chaque mutation, une corde à leur arc. Ainsi, Christophe Liétot, 53 ans, pur produit HSBC, n’a pas hésité à traverser la France dès l’obtention de son diplôme. Le Normand débarque à Marseille le 1er mai 1994. « Je m’en souviens très bien : je prenais mon premier poste de gestionnaire de patrimoine le 2 mai et je me suis dit : ’La vie va être belle ici’. » Pas seulement grâce à la météo méditerranéenne mais aussi aux perspectives de carrière. « Je voulais me spécialiser dans la gestion de patrimoine et aller le plus loin possible dans ce métier », explique-t-il. Après trois ans dans la cité phocéenne, il part à Nice pour prendre du galon et passe du poste de chargé de clientèle à celui de gérant de patrimoine et de portefeuille. En 2002, il a de nouveau des envies d’ailleurs. « Je postule à Lyon dans le but d’exprimer davantage mon potentiel », raconte-t-il. Pris au mot, il devient numéro deux du centre de gestion de patrimoine. En 2005, son plan de carrière connaît un contretemps : la banque met fin à son activité de CGP (conseillers en gestion de patrimoine) et renvoie les experts dans les agences « HSBC Premier » pour davantage de proximité avec le client. « J’ai refusé car je voulais rester dans mon domaine d’expertise et ne pas redevenir généraliste, poursuit-il. Heureusement, une autre opportunité s’est présentée. » Le bureau HSBC Private Banking est créé à Lyon. Avec un autre gérant de patrimoine, Christophe Liétot prend la co-direction de l’antenne régionale de HSBC Private Banking.
Paris, le tremplin
En 2016, le comité exécutif lui demande de prendre la direction commerciale à Paris. « Cette offre arrivait cinq ans trop tôt pour moi, alors que mes enfants étaient encore à la maison. Mais cette occasion n’allait pas se représenter de si tôt », conclut celui qui occupe désormais ce poste. Cette dernière mutation a aussi rimé avec concessions : des allers-retours entre Paris et Lyon, facilités par du télétravail le vendredi, limitant ainsi le surcoût de la vie dans la capitale. « Globalement, en arrivant à Paris, le ‘package’ de rémunération croît de 15 % à 20 % mais le train de vie n’augmente pas pour autant », note Frédéric Aymonier.
Si la région permet de grimper les échelons, le passage par Paris reste incontournable. Régis Abgrall a rapidement fait ce choix. Après un diplôme à Paris-Dauphine et la Sorbonne, il commence en 1996 chez LCL en Bretagne. Après quatre ans de gestion d’un portefeuille de financement de PME, il se rend à Paris pour se former aux grandes entreprises et corporate finance, avant de partir à Lille en 2004 et de prendre la direction des engagements de la région du Nord. En 2006, il revient dans la capitale pour devenir responsable des ressources humaines de la banque des entreprises. « Cette étape a été un vrai tremplin, elle m’a formé au management et aux enjeux stratégiques du groupe », dit-il. Lorsque l’on vise des postes à haute responsabilité, l’idéal est d’alterner des postes réseaux et managériaux de terrain, avec des fonctions aux sièges pour créer des liens avec le groupe. Grâce à cette trajectoire, Régis Abgrall a pu prendre la direction du marché des entreprises de l’Occitanie à Toulouse en 2009, avant de déménager à Aix-en-Provence et de travailler dans la région Paca, plus importante. En 2017, il passe du côté de la banque de détail et devient directeur pour la zone Méditerranée. « C’était une grande marque de reconnaissance. » Quant à revenir à Paris : « J’aime les défis et les beaux projets », glisse-il, sans fermer la porte.
Retrouvez l’intégralité de l’article en ligne et dans L’AGEFI HebdoCarrières & Talents, jeudi 19 décembre 2019 972 mots, p. 38