Le temps se gâte dans la BFI

Le temps se gâte dans la BFI

Voie royale pour démarrer une carrière dans la finance, la banque de financement et d’investissement est chahutée. Mais elle reste pourvoyeuse d’emplois.

La Société Générale a annoncé la suppression de 1.600 postes dans le monde, dont 1.200 dans sa banque de financement et d’investissement (BFI) –, 504 en France. BNP Paribas Fortis prévoit pour sa part de supprimer jusqu’à 2.500 postes, sur la base de départs volontaires et de non-­renouvellements de postes, sur la période 2019-2021. Ce qui affecterait sans aucun doute la partie BFI. Si Crédit Agricole SA ne réduit pas les effectifs dans cette activité, la banque « verte » souhaite tout de même en diminuer les coûts. Une avalanche de mauvaises nouvelles qui interrogent. La BFI offre-t‑elle toujours la meilleure porte d’entrée aux candidats désireux de faire carrière dans la finance ? La réponse est oui. A condition de savoir naviguer sur ce marché à la météo incertaine.

Cycle descendant

Le contrecoup sur le marché de l’emploi est réel. « Il y a des effets de seuils et certaines grandes banques restructurent leurs métiers, dont la partie financement et investissement, analyse Guilhem Jeannin, practice manager chez Michael Page. Les plus touchés sont les traders, de moins en moins nombreux avec un phénomène d’automatisation, les gérants en ‘asset management’, avec une gestion passive moins coûteuse qui prend de l’envergure en contexte de taux bas. »

A Paris, les BFI représentent quelques centaines de postes seulement et la réduction de voilure de quelques établissements se fait directement sentir. Les banques françaises dont la structure évolue au fil des décennies sont plutôt dans un cycle descendant, avec des marges resserrées dans un contexte de contraintes réglementaires (Bâle 3 et Mifid 2), de taux bas et de marchés boursiers à la peine. Beaucoup d’entre elles sont dans l’expectative et préfèrent réduire leur structure de coûts fixes. Pour autant, ce ne serait qu’une petite tempête dans un marché de l’emploi toujours favorable aux candidats.

Car ces derniers trouvent des postes et les professionnels expérimentés ont encore le pouvoir de négocier. Cela est particulièrement vrai avec le Brexit qui se profile et a déjà un impact sur la Place de Paris. « Non seulement les embauches se maintiennent, mais nous nous préparons à une activité plus soutenue encore, si et quand le Brexit sera effectif, précise Karine Favreau, directrice associée finance de marché chez Fed Finance. L’arrivée de grandes banques anglo-saxonnes renforce déjà l’attrait de cette porte d’entrée royale. » Par exemple, Bank of America est en train de finaliser ses nouveaux locaux à Paris, et HSBC a rapatrié un certain nombre de postes de Londres.

L’appel d’air est sensible depuis cette année. Les premiers recrutements ont été effectués à des postes de compliance pour préparer le terrain auprès du régulateur afin que les établissements concernés soient prêts à travailler dès la signature éventuelle d’un deal. Suivent les fonctions de front office, sur les profils les plus senior : directeurs, senior bankers. Rares, car en haut de l’échelle hiérarchique, ces profils sont particulièrement « chassés »… A condition qu’ils soient en poste.

Double compétence

Selon l’ensemble des chasseurs de têtes de la place, il est urgent de rester au chaud pour être considéré comme un candidat sérieux. « Le reste des postes devrait suivre mais, lorsqu’il s’agira de recruter, on nous demandera sans aucun doute de ‘chasser’ des gens en poste dans de grandes BFI déjà installées à Paris, ou dans des activités proches », confirme Jean-François Monteil, directeur de Morgan Philips Banking & City.

Quant aux réorganisations en cours dans les grandes banques françaises, elles ne devraient pas trop pénaliser les salariés concernés, certains postes étant encore très demandés sur le marché. Les fusions-acquisitions, entre autres, demeurent un secteur dynamique, tout comme le conseil. De quoi permettre de retomber sur ses pieds.

« J’entends beaucoup de candidats rêver de ‘private equity’ en ce moment, mais les places sont chères car les fonds recrutent peu, alerte Jean-François Monteil. A l’inverse, un professionnel du M&A qui connaît bien son secteur, qui est doué en origination et qui dispose d’un solide ‘track record’ est une valeur sûre. » En asset management, vendre ne suffit pas, il faut aussi être un excellent technicien pour pouvoir présenter et décortiquer les produits auprès des clients. Ainsi, les product managers, spécialisés sur leur produit financier, sont recherchés pour venir en renfort commercial. Dans l’ensemble des activités de marché et de gestion, ce sont les profils capables d’allier cette double compétence d’expertise et de vente qui gardent la main.

Dernier point notable : le digital semble avoir globalement « épargné » la banque de financement. « Au vu des réductions de postes, certains se disent que la BFI subit la même mutation que la banque de détail, mais ses métiers restent très exigeants, avec une pression phénoménale reconnue en interne, explique Frédéric Aymonier, fondateur et dirigeant du cabinet Fitch Bennett Partners. Pour un chasseur de têtes ayant différents mandats dans la ‘practice’ bancaire, la BFI reste encore très attractive. »

Si le changement technologique n’est pas encore un raz-de-marée dans ces professions à haut niveau intellectuel et décisionnel, il commence pourtant à avoir un impact positif en matière de recrutement : « Les profils technologiques – ‘quants’, IT, ‘data scientists’ – y sont plus recherchés que jamais », explique Guilhem Jeannin. Ceux-là ont devant eux un boulevard pour les années à venir.  

Retrouver l’intégralité de l’article en ligne et dans l’Agefi Hebdo.