« Tolérance zéro contre la fraude au travail détaché »

« Tolérance zéro contre la fraude au travail détaché »

En Auvergne-Rhône-Alpes, le recours à la main d’œuvre d’un autre pays de l’Union européenne a doublé en cinq ans. Derrière cette pratique légale, se dissimulent un certain nombre d’atteintes au droit du travail. En exclusivité, le préfet de région Henri-Michel Comet et Marc-Henri Lazar, de la Direccte, détaillent la lutte contre les fraudes au travail détaché. Comme une mise en garde.

Dans quelle mesure la fraude au travail détaché augmente-t-elle dans la région ?

Marc-Henri Lazar, chef du pôle régional travail de la Direccte : Précisons déjà que le détachement lui-même progresse. Selon les déclarations des entreprises de la région, nous comptons 33 000 travailleurs étrangers détachés en Auvergne-Rhône-Alpes en 2016, soit près du double de ce que nous avions observé en 2011. En termes de temps de travail, cela représente au minimum 1,4 million de jours.

Henri-Michel Comet, préfet de région : Dans le cadre du plan national de lutte contre le travail illégal (2016-2018) engagé par le précédent gouvernement, nous avons augmenté les contrôles. L’État nous a demandé, pour 2017, d’en réaliser 190 par mois au niveau de la région Auvergne-Rhône-Alpes. En 2016, au total, plus de 3000 contrôles ont été réalisés dans la région [soit une progression de 18% en un an]. Mécaniquement, nous détectons plus d’abus.

M-H.L. : 40% des contrôles de lutte contre le travail illégal réalisés l’an dernier portaient sur les prestations de services internationales [autrement dit, le travail détaché]. Les secteurs les plus concernés sont le bâtiment, mais aussi le tourisme et l’agriculture. L’industrie est, dans une moindre mesure, également touchée.

Vous détectez plus de fraudes. Mais avez-vous les moyens de lutter contre ?

H-M.C. : Oui, car la loi s’est renforcée en la matière. Depuis 2015, nous pouvons fermer administrativement un chantier ou un établissement. Ce genre de décision nous permet de sanctionner, par ricochet, l’entreprise donneuse d’ordre mais nous avons aussi les moyens de mettre celle-ci directement à l’amende. Une loi de 2016 reconnaît la responsabilité des maîtres d’œuvre et des donneurs d’ordre. Désormais ils doivent vérifier que leurs sous-traitants ne contreviennent pas au cadre légal du détachement sous peine de sanction.

M-H.L. : En 2016, nous avons infligé 2,8 millions d’euros d’amendes administratives, dont un  million à des donneurs d’ordres qui n’ont pas été suffisamment vigilants. Ces amendes portent principalement sur les manquements aux obligations de déclaration. On distingue en effet trois types de fraudes : les entreprises qui ne déclarent pas ou mal les travailleurs détachés ; les entreprises qui les déclarent et qui ne respectent pas le code du travail français, notamment le temps de travail ; et enfin celles qui fournissent de la main d’œuvre en détachement alors que l’essentiel de leur activité se trouve en France. Cette dernière fraude, dite « fraude à l’établissement », peut être très complexe et relève plutôt d’une instruction judiciaire.

H-M.C. : Ces fraudes-là sont effectivement poursuivies au pénal. Des procédures sur des cas de grande ampleur, compliqués, sont actuellement aux mains de la justice. Cela permet plusieurs niveaux et vitesses d’intervention : rapides au niveau de la préfecture, en profondeur au niveau du tribunal.


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