Unédic : «Grâce à l’appétence des investisseurs, nous nous finançons à des prix très bas»

Unédic : «Grâce à l’appétence des investisseurs, nous nous finançons à des prix très bas»

arton4840-4ffa0

Association paritaire chargée de gérer l’assurance chômage, l’Unédic coordonne le paiement des indemnités chômage, soit environ 37 milliards d’euros par an. Mais avec la crise, les recettes – contributions salariales et patronales – ne couvrent plus les besoins. Garantir la liquidité de l’Unédic, à court comme à long terme, constitue donc la mission essentielle de son directeur financier, Philippe Eberschweiler.

L’Unédic est l’association qui gère l’assurance chômage. Quelles sont les particularités d’une telle structure ?

En charge de l’élaboration et de la mise en œuvre des règles d’assurance chômage, c’est-à-dire du recouvrement des contributions et du versement des allocations chômage, l’Unédic est une association gouvernée par les partenaires sociaux, les syndicats de salariés et patronaux à parité. Les partenaires sociaux exercent aussi un rôle de négociation : ils fixent les règles de l’assurance chômage, c’est-à-dire les critères selon lesquels les allocations sont attribuées et les contributions collectées. Ensuite, l’Unédic a donné mandat à deux opérateurs clés. Le premier est l’Acoss qui, avec l’aide des Urssaf, collecte les contributions patronales et salariales d’assurance chômage. Le second est Pôle emploi qui assure la relation directe avec les demandeurs d’emploi et leur verse les allocations. L’Unédic est une structure d’une centaine de personnes, qui gère en 2014 un peu plus de 37 milliards d’euros de dépenses.

Dans ce cadre, quelle est la mission du directeur financier ?

L’Unédic a disposé de 33,9 milliards d’euros de contributions (recettes), en 2014. En face, les dépenses totales de l’exercice se sont élevées à 37,7 milliards d’euros, dont 34,1 milliards d’euros d’indemnités versées. Rapportées au PIB (2 133,6 milliards d’euros en 2014), elles représentent respectivement 1,77 % et 1,6 %. L’essentiel de ma mission consiste à garantir la liquidité nécessaire au règlement des indemnités et des charges qui pèsent sur ces dernières ainsi que de notre dotation pour le budget de fonctionnement de Pôle emploi, prévue par la loi. Concrètement, cette mission se décompose en deux volets. Au jour le jour, je dois assurer une liquidité pour couvrir la différence de trésorerie qui se crée entre nos recettes et nos dépenses. Sur le plus long terme, je dois aussi veiller à ce que l’Unédic dispose des financements nécessaires au bon fonctionnement de l’assurance chômage. La gestion de la dette est à ce titre essentielle.

La dette s’accroît en effet depuis le début des années 2000. En quinze ans, nous avons connu deux chocs particulièrement importants en matière de chômage. L’éclatement de la bulle Internet d’abord a été violent en termes de destruction d’emploi. En 2005, l’Unédic a ainsi atteint son premier pic historique de dette, à 13,5 milliards d’euros. Nous n’avions jamais connu cela précédemment. Le deuxième choc a été celui de la crise dite «Lehman Brothers» 2008, et dont l’économie mondiale n’est pas encore totalement sortie.

Entre ces deux chocs, nous avons connu trois années fastes, de 2006 à 2008, pendant lesquelles le régime a dégagé 10 milliards d’excédents. Cela nous a permis d’amortir la dette à due concurrence. Mais depuis 2009, avec la crise des subprimes dont nous subissons encore aujourd’hui les conséquences, notre dette a augmenté au point d’atteindre probablement 25 milliards d’euros à la fin de l’année 2015 d’après nos prévisions. Même si nous anticipons que les déficits puissent se réduire d’année en année, nous devrions dépasser les 35 milliards de dette à l’horizon 2018 compte tenu des prévisions économiques et des règles actuelles.

Pourtant, l’Unédic doit légalement garantir son équilibre financier. Comment justifier une telle dette ?

L’usage veut que cet équilibre soit analysé en considérant un cycle économique dans son ensemble, afin de laisser une certaine latitude en période de crise. Cette souplesse est essentielle pour permettre aux partenaires sociaux de faire jouer à l’assurance chômage son rôle d’amortisseur social. En effet, l’assurance chômage est contra-cyclique. En période de croissance, il y a à la fois moins d’allocations à verser et plus de contributions collectées. Par contre, dans les phases de décroissance, l’inverse se produit. L’ajustement peut se faire grâce à des modifications de paramètres négociés entre les partenaires sociaux (hausse des cotisations, baisse des allocations, modifications d’autres règles, etc.) mais le plus souvent, c’est l’endettement qui permet de financer cette forme de solidarité entre salariés. Dans cette optique, l’équilibre financier constitue un objectif de moyen terme. Depuis la création de l’Unédic, il a toujours été atteint cycle économique après cycle.

Cependant, la crise actuelle fait figure d’exception ! Elle dure depuis sept ans ; même la crise de 1929 n’a pas été aussi longue. Nous sommes donc dans une phase complètement atypique. Nous ne sommes pas en mesure de dire avec précision quand le chômage se résorbera. A paramètres constants, la baisse du chômage est en effet fonction du taux de croissance de l’économie.

Comment financez-vous cette dette ?

Une association n’ayant pas d’actionnaires, donc pas de capitaux propres autres que ceux résultant des résultats positifs accumulés, elle ne peut pas se financer en fonds propres. L’évolution des normes régissant le crédit bancaire fait que celui-ci est rare et coûte de plus en plus cher. Nous avons donc choisi de nous adresser aux marchés financiers. Ainsi, nous nous finançons sur les marchés, par le biais de titres de créance négociables à court et moyen terme et sous forme d’obligations pour les longs termes. Toutes ces opérations sont réalisées à taux fixe et, en termes de maturité, positionnées sur l’ensemble de la courbe de taux correspondant à notre horizon de risque (12 ans aujourd’hui). Ceci nous permet de lisser le risque de variations des taux d’intérêt auquel nous sommes soumis dans le temps. De plus, ces marchés sont en ce moment très accessibles, liquides et peu coûteux. Actuellement, notre taux d’intérêt moyen pour de nouvelles émissions se situe aux alentours de 1,20 % pour une émission à 12 ans par exemple.

… Lire la suite de l’article dans Option Finance du 11 janvier.

Crédit photo : CC Unédic