Cherche courtier millionnaire à vendre

Cherche courtier millionnaire à vendre

 La concentration dans le courtage français reste soutenue depuis le début de l’année, même si la nature des rachats a changé. Côté acheteurs, des industriels plutôt que des fonds en direct; côté vendeurs, des cabinets spécialisés plus petits.

La concentration dans le courtage français reste soutenue depuis le début de l’année, même si la nature des rachats a changé. Côté acheteur, des industriels plutôt que des fonds en direct; côté vendeur, des cabinets spécialisés plus petits.

Les deals dans le courtage ont encore rythmé le premier trimestre 2022. Les exemples ne manquent pas : rachat de la start-up lilloise Cautioneo par le courtier en immobilier Odealim, qui a ainsi réalisé plus d’une dizaine d’acquisitions grâce au soutien du fonds d’investissement RA Associates; Cmonassurance, filiale du grossiste Alptis, qui s’empare du distributeur spécialiste de l’assurance emprunteur Askapi; Leader Insurance (51 M€ de chiffre d’affaires en 2021) qui a bouclé l’acquisition de You Assur, courtier nordiste dans l’IARD, avec un chiffre d’affaires d’un peu plus de 4 M€…

Après des opérations majeures en 2021 dans l’univers du grand courtage, à l’image de Diot-Siaci, la concentration dans le secteur se poursuit, mais à une autre échelle. Les cibles sont désormais le plus souvent des cabinets spécialisés, avec un ancrage local et dont le chiffre d’affaires se situe à des paliers inférieurs, entre 1 et 15 M€. Souvent, l’objectif des acheteurs – des courtiers de moins de 100 M€ de chiffre d’affaires, en forte croissance -, est simple : consolider leur portefeuille clients et leur présence sur le territoire pour nourrir une croissance rapide. La question de la taille critique devient centrale. Plus le territoire et le panel de produits sont complets sur le plan de la commercialisation, plus un courtier devient incontournable auprès d’un assureur et peut ainsi obtenir des concessions pour le client final.

Les cibles se font rares

Pour peser, donc, les fonds comme les industriels investisseurs ciblent en priorité le Top 50 des courtiers français (voir notre classement pages suivantes). Mais les opportunités sont de plus en plus rares. « Les fonds d’investissement sont déjà présents au capital d’un certain nombre d’acteurs, et les autres sont détenus par de grandes familles difficiles à convaincre, avec une logique patrimoniale sur plusieurs générations, analyse Guillaume Eymar, associé chez Cambon Partners, spécialisé dans ce type d’opérations. Une stratégie alternative consiste à viser des courtiers plus petits. Mais il faut s’organiser pour cela ! » Ce qui exige notamment d’internaliser des compétences et d’industrialiser l’acquisition de cibles plus modestes. C’est clairement la stratégie mise en oeuvre par Odealim, ou par Finaxy, le spécialiste du risque d’entreprise (75 M€ de chiffre d’affaires), qui a racheté monemprunt.com en janvier dernier.

En parallèle, les fonds encouragent les directions des entreprises dans lesquelles ils ont investi à mener ces stratégies de croissance externe… et, surtout, ils sont capables de débloquer rapidement les capitaux nécessaires lorsqu’une opportunité se présente. Ainsi, les acquisitions menées aujourd’hui par les industriels sont indirectement alimentées par le volontarisme des fonds. C’est le cas, par exemple, du fonds Abénex, actionnaire minoritaire de Leader Insurance, qui a soutenu le rachat de You Assur.

Les industriels montent au créneau

C’est aussi ce qui s’est passé l’an dernier entre Active Assurances et Meilleurtaux, soutenu par le fonds américain Silver Lake. « Nos actionnaires ont été très présents et réactifs quand nous avons voulu préempter la cible d’Active Assurances, qui nous apportait du B to C, mais aussi du B to B en santé et en assurance automobile, témoigne Guillaume Autier, président de Meilleurtaux.com. Nous avions eu d’autres discussions dans le passé et là, il s’agissait de concrétiser enfin ce rapprochement ! »

Le prix du deal reste confidentiel. Selon nos informations, l’opération approcherait les 200 M€. Pour rappel, Active Assurances avait été valorisé 50 M€ trois ans plus tôt. Le rapprochement s’annonce déjà fructueux. « Nous avons tout de suite trouvé des synergies efficaces, poursuit Guillaume Autier. Nous avons des prises de contact sur notre comparateur Internet, que nous pouvons confier directement à Active Assurances. » Le groupe, après avoir réussi la mise en commun sur l’activité santé, s’attaquera très prochainement au rapprochement des activités d’assurance automobile.

Ces deals entre industriels se font après une longue période où les entreprises se côtoient et collaborent. Par le passé, les grands courtiers ont été dans la retenue, plus frileux face aux opportunités, laissant les fonds l’emporter dans les principales opérations. Les capacités d’investissement de ces derniers ont d’ailleurs souvent alimenté une course folle à la surenchère, avec des multiples de valorisation de 10 à 15 fois l’Ebitda (résultat brut d’exploitation). C’est un peu moins le cas ces derniers mois, avec des cabinets de courtage capables désormais de sortir le chéquier.

La concurrence est rude et désormais favorable aux industriels qui, au-delà du montant, offrent un projet stratégique cohérent et pérenne pour la structure rachetée. « Dans le contexte actuel, nous sommes courtisés, constate Alexis Papaïs, directeur général de You Assur. Le groupe [Leader Insurance] met des moyens à notre disposition et les équipes restent en place. Nous gardons une véritable autonomie. C’est ce qui nous a séduits. » La logique de continuer à croître à deux séduit également. « L’objectif de doubler notre chiffre d’affaires d’ici à cinq ans est une belle ambition », poursuit Alexis Papaïs.

Les cibles B to B prisées

Dans un contexte de rareté de l’offre, le marché des rachats tourne donc clairement à l’avantage des courtiers vendeurs. Pour autant, tous ne sont pas logés à la même enseigne. En plus de la croissance et de spécialités complémentaires, les acheteurs cherchent aussi un moyen de renforcer leur maillage territorial. Ainsi, Leader Insurance, relativement peu présent dans le Nord, s’offre avec You Assur une marque reconnue dans cette zone. « Nous travaillons sérieusement afin de rendre cette vision possible, résume Alexis Papaïs. Rendez-vous dans deux ou trois ans pour voir le résultat. »

Dans le contexte économique actuel, les courtiers qui opèrent essentiellement dans les risques d’entreprises restent des profils attractifs. « Pour les fonds et les industriels français et étrangers, la recherche de cibles B to B se poursuivra en 2022, assure Guillaume Eymar. La croissance est toujours recherchée, mais la résilience l’est au moins autant. Or c’est justement ce qu’offre le business model B to B. »

Retrouvez l’intégralité du dossier dans L’Argus de l’assurance, no. 7759-7760, vendredi 3 juin 2022, p. 34,35,36,37,38,40,4