Patrimoine : quand Lyon et les HCL liquident les bijoux de famille

Patrimoine : quand Lyon et les HCL liquident les bijoux de famille

Depuis la vente de l’Hôtel-Dieu par les Hospices civils de Lyon (HCL) et de Grolée par la ville, une vague de cessions de patrimoine a été engagée par les pouvoirs publics. Etat des lieux sur un phénomène qui fait les bonnes affaires des promoteurs privés.

« Le grand bidouillage»… La formule revient systématiquement parmi l’opposition municipale – de gauche comme de droite – de Gérard Collomb, et désormais de Georges Képénékian. Elle décrirait la série de cessions immobilières de la ville de Lyon enchaînées sans grande transparence ces dernières années.

Mediacités a fait les comptes : sur 15 ans, entre 2001 et 2016, la ville a gagné pas moins de 30 millions d’euros, solde de ses ventes minorées de ses acquisitions. Et cela continue : la salle Rameau, la MJC Saint-Rambert ou encore les Bains douches sont les nouveaux morceaux du patrimoine sur l’étal de la ville de Lyon (voir notre carte interactive ci-dessous). Au-delà du bilan comptable, les ventes de pièces historiques permettent en général de financer des achats – principalement d’écoles et de parcs – dans les quartiers en développement : Confluence, Gerland et l’Ilot Berliet, dans le 8e arrondissement.

« Le budget n’étant pas extensible, avec la baisse des dotations d’État et la volonté de ne pas trop augmenter les impôts locaux, les cessions permettent de faire vivre le parc immobilier en fonction des besoins, observe Stéphane Guilland, élu Les Républicains du 8e arrondissement, président de l’opposition de droite au conseil municipal de Lyon et, par ailleurs, administrateur de la Sacvl, le bras armé de la ville en matière de construction et de gestion immobilière. Ce n’est pas mon genre de complimenter la majorité, mais je dois admettre qu’elle a une gestion dynamique du patrimoine. » Voilà pour le compliment. Vient ensuite le coup de griffe : « L’opacité est tout de même de mise avec des marchés de gré-à-gré qui sont sources de suspicion ».

Le gré-à-gré ? Il s’agit d’un contrat bilatéral entre la ville et un promoteur, lors de la vente d’un bien immobilier. Il s’oppose à l’appel d’offre qui suppose un cahier des charges clair, écrit et connu de tous. Il permet aussi d’aller au plus vite. « Et parfois de jouer le coup de la surprise, accuse Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement, du groupe Lyon citoyenne et solidaire, dans l’opposition à la mairie centrale. Alors que nous avions un projet qui tenait la route pour l’Ecole nationale des beaux-arts, avec une offre qui ne nécessitait aucune subvention, nous avons appris par voie de presse que le bâtiment serait vendu de gré-à-gré au Crédit agricole à 600 euros le mètre carré… Dans le quartier, les appartements neufs haut de gamme atteignent désormais les 6 000 euros le mètre carré. » Les travaux et le désamiantage du site justifient sans aucun doute un prix en deçà des 6 000 euros. Mais, sans cahier des charges public, les interrogations sont permises. La culbute qui se dessine pour le Crédit agricole entre le prix d’achat et celui de vente s’annonce conséquente.

Une chose est sûre : des pièces emblématiques du patrimoine lyonnais passent aux mains du privé. « C’est pour moi un paradoxe : Lyon, inscrite au patrimoine de l’Unesco, est très indélicate avec celui-ci, s’étonne Philippe Dujardin, politologue et ancien conseiller scientifique auprès de la direction Prospective et stratégie d’agglomération du Grand Lyon. Le coup de départ a été donné en 2010  avec l’Hôtel-Dieu, par les Hospices civils de Lyon (HCL). » Autre contradiction : les pouvoirs publics, qui vendent à tour de bras, manquent de moyens pour acheter si une belle opération se présente. « Le problème de la gestion foncière sur la métropole est qu’elle n’est pas structurée, faute de surface financière, souligne Olivier Brachet, ancien vice-président du Grand Lyon chargé du logement. Il manque un opérateur foncier unique – réunissant les différents acteurs actuels – sur l’ensemble du territoire pour mener une véritable stratégie. » Résultat, le privé apparaît souvent comme le seul à pouvoir apporter des solutions pérennes pour des bâtiments historiques d’envergure.


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