Mineurs isolés étrangers – Défendre leur droit à un toit

Mineurs isolés étrangers – Défendre leur droit à un toit

Si la loi impose de mettre à l’abri les adolescents déracinés, ils sont nombreux à être arbitrairement jugés trop âgés et à se retrouver livrés à eux-mêmes. Un traumatisme de plus pour eux qui ont fui la misère ou la guerre et ont souvent mis plus d’un an de leur jeune vie à traverser l’Afrique et la Méditerranée. Pour leur rendre justice, à Lyon, à Paris ou encore à Toulouse, des avocats se mobilisent et s’associent pour faire entendre leurs droits. Et dénoncent l’abandon des autorités publiques face à leurs responsabilités.

À Toulouse, un collectif squatte un bâtiment vide, rue de la Glacière dans le nord de la ville, pour loger près de soixante-dix jeunes migrants. À plusieurs centaines de kilomètres de là, à Lyon, ce sont des dizaines de jeunes qui sont arrivés par la gare de Part-Dieu et qui dorment à quelques encablures, sur les dalles défoncées d’un passage piéton exposé à tous les vents. Dans la capitale, que ce soit à Stalingrad, à la Chapelle ou à Belleville, ils sont plusieurs centaines à dormir sans toit, dans ces arrondissements du nord-est de Paris. Ces scènes se reproduisent dans toutes les grandes villes de France, tandis que l’hiver arrive. Des jeunes, majoritairement guinéens et ivoiriens, quasiment que des garçons et très souvent mineurs, dorment à la rue dans de nombreux départements. Ils ont traversé l’Afrique et la Méditerranée pendant des mois, à la merci des passeurs et de bandes mafieuses.

Une fois arrivés en France, ils comptaient trouver un refuge et un répit. Mais ils devront commencer un nouveau parcours du combattant. Les conseils départementaux n’arrivent plus à leur trouver un hébergement. Chargés de la protection à l’enfance, ils peinent à faire face à l’afflux des jeunes en demande d’aide. L’Assemblée des départements de France (ADF) annonce que déjà un milliard d’euros ont été dépensés pour leur prise en charge en 2016. Or le nombre de mineurs, et donc les frais, aurait doublé en un an ! Certains départements ont même déclaré arrêter d’accepter des jeunes faute de place, comme celui de l’Isère, condamné par le Conseil d’État en août dernier.

Ce jugement, fort, est la simple traduction des textes : avec son ordonnance de 1945 et la signature de la convention des droits de l’enfant de Genève, la France s’engage à protéger tous les mineurs de son territoire. Français comme étrangers, les jeunes de moins de 18 ans sont avant tout des enfants. Ils ont à ce titre le droit d’être mis à l’abri quand ils sont en danger. Ce droit est ainsi réaffirmé au plus haut niveau. Mais la réalité est moins tranchée. Pour ne pas être dans l’illégalité, les départements préfèrent simplement la sévérité. Dans le cadre d’un entretien d’évaluation, les services ont tendance à refuser un jeune dès qu’un doute se pose sur sa minorité. « Or, en raison de ce qu’ils ont vécu, confrontés à la mort et à la torture, ils peuvent paraître adultes, précise Florence Alligier, avocate à Lyon. Il y a tout de même de petites réactions qui nous rappellent que ce sont des enfants, comme mon client qui saute toujours au-dessus des deux marches, à la sortie de mon cabinet, plutôt que de les descendre normalement ou un autre qui s’inquiète avant tout de pouvoir s’inscrire à un club de football. »

Pour les bénévoles d’associations sur le terrain comme Médecins du monde, Réseau éducation sans frontières ou la Cimade, il s’agit purement et simplement d’un tri qui s’opère un peu partout en France. « Alors que 80 % des jeunes étaient pris en charge par le conseil départemental de Haute-Garonne, nous sommes passés à des évaluations concluant que 80 % des jeunes étaient majeurs, note un collectif d’avocats à Toulouse. C’est un renversement complet de la tendance ! » Cette sélection permet d’écarter les adolescents pour réserver les quelques places disponibles aux plus jeunes.


LIRE la suite de l’enquête dans la Revue Sang Froid n°8