La banlieue française, personnage de «Hunger Games»

La banlieue française, personnage de «Hunger Games»

Les_Espaces_Abraxas_Marne_la_Valle_Paris_France_Ricardo_Bofill_Taller_Arquitectura_01Hunger Games, trilogie littéraire écrite par Suzanne Collins et tétralogie de blockbusters américains à succès, continue de plaire. Et la banlieue française qui a servi de décor au dernier opus –encore dans le salles de cinéma– s’en trouve plutôt grandie.

Deux zonards paumés errent dans une cité d’une banlieue bétonnée dans Le thé au harem d’Archimède; trois copains de banlieue traînent et vivent une journée d’émeute dans le film La Haine (1995); des gangs règnent en maître dans des citées ghettos entourées d’un mur d’isolement dans Banlieue 13 (2004); un professeur, dans un collège de banlieue, prend sa classe en otage dans La journée de la jupe (2008); une «famille» d’immigrants découvrent que la destination tant convoitée, la France et sa banlieue, est plus digne d’un violent western que d’un paradis sur Terre. L’inventaire à la Prévert peut se poursuivre ainsi longtemps.

Le point commun? La banlieue française devient un décor à part entière. Un décor un peu étrange, où tout –et surtout le pire– peut arriver. Un territoire à la marge où la simple volonté de le quitter et l’impossibilité de le faire devient un canevas rêvé pour tisser une histoire. Un décor tellement incarné qu’il en devient presque un personnage!

Lieu de dystopie

Le dernier film en date se différencie lui beaucoup de cette lignée et cela sur plusieurs points: la fiction est une production américaine, un blockbuster encensé par les adolescents et une science-fiction dystopique. Il s’agit du quatrième et dernier volet de Hunger Games: La Révolte, partie 2. Cette quadrilogie raconte l’histoire d’une révolte contre une société structurée en castes. Une métropole appelée Panem vit en effet grâce à douze districts –en périphérie, ghettoïsés– qui lui fournissent de manière très smithienne un produit unique comme le charbon ou l’acier. Ces derniers se sont déjà révoltés une première fois mais le soulèvement a été maté.

«Hunger Games», trilogie littéraire écrite par Suzanne Collins et tétralogie de blockbusters américains à succès, continue de plaire. Et la banlieue française qui a servi de décor au dernier opus –encore dans le salles de cinéma– s’en trouve plutôt grandie.

Deux zonards paumés errent dans une cité d’une banlieue bétonnée dans Le thé au harem d’Archimède; trois copains de banlieue traînent et vivent une journée d’émeute dans le film La Haine (1995); des gangs règnent en maître dans des citées ghettos entourées d’un mur d’isolement dans Banlieue 13 (2004); un professeur, dans un collège de banlieue, prend sa classe en otage dans La journée de la jupe (2008); une «famille» d’immigrants découvrent que la destination tant convoitée, la France et sa banlieue, est plus digne d’un violent western que d’un paradis sur Terre. L’inventaire à la Prévert peut se poursuivre ainsi longtemps.

Le point commun? La banlieue française devient un décor à part entière. Un décor un peu étrange, où tout –et surtout le pire– peut arriver. Un territoire à la marge où la simple volonté de le quitter et l’impossibilité de le faire devient un canevas rêvé pour tisser une histoire. Un décor tellement incarné qu’il en devient presque un personnage!

Lieu de dystopie

Le dernier film en date se différencie lui beaucoup de cette lignée et cela sur plusieurs points: la fiction est une production américaine, un blockbuster encensé par les adolescents et une science-fiction dystopique. Il s’agit du quatrième et dernier volet de Hunger Games: La Révolte, partie 2. Cette quadrilogie raconte l’histoire d’une révolte contre une société structurée en castes. Une métropole appelée Panem vit en effet grâce à douze districts –en périphérie, ghettoïsés– qui lui fournissent de manière très smithienne un produit unique comme le charbon ou l’acier. Ces derniers se sont déjà révoltés une première fois mais le soulèvement a été maté.

Depuis, une commémoration macabre, digne du supplice que le Crétois Minos imposa aux Athéniens vaincus dans la mythologie grecque, se déroule chaque année: le président Snow, le méchant de l’histoire, demande à chaque district d’envoyer un jeune homme et une jeune femme se battre à mort dans un version moderne du labyrinthe. Ce théâtre ultramoderne, où les jeunes gladiateurs modernes s’entretuent pour le plaisir des spectateurs, sera finalement la scène où naîtra la figure d’une résistance farouche. Et dans le rôle de ce Spatarcus de science-fiction: le personnage Katniss Everdeen, elle-même interprétée par la désormais star Jennifer Lawrence.

Piste de développement

Dans le dernier volet, la guerre est totale dans les rues de la métropole futuriste. Et ce décor à la fois empreint de modernité et de violence fut trouvé… en banlieue parisienne. C’est surtout pour sa modernité que ce décor fut choisi: les espaces d’Abraxas à Noisy-le-Grand (93) de Ricardo Bofill permettaient d’offrir un écrin à une scène de dix minutes –à partir de la quarante-septième minute du film– ne nécessitant que peu de retraitement numérique. En bref, ce fut un choix économique. Il était moins cher d’envoyer une grande partie de l’équipe de tournage en France que de recréer un décor de toutes pièces par ordinateur.

Pour la région, l’apport économique fut également non négligeable. Un porte-parole de la mairie d’Ivry (94), ville où les étoiles de Jean Renaudie furent aussi exploitées pout le film, souligne: «Le tournage a rapportés quelques dizaines de milliers d’euros à notre ville. De plus, il y a eu quelques figurants ivryens.» Même chose à Noisy-le-Grand, pour les espaces d’Abraxas. L’utilisation du studio de Bry-sur-Marne et du studio Kremlin a représenté un total de dix-sept jours de tournage et de 16 millions d’euros d’investissement. Enfin, le film Hunger Games peut aussi constituer une belle tête d’affiche pour rappeler à Hollywood que l’Île-de-France ne possède pas que des châteaux et des rues pavées mais aussi des lieux dignes des meilleures sciences-fictions: l’immeuble du Parti communiste place du colonel Fabien dans les Xe et XIXe arrondissements, la villa Savoye, à Poissy, le Palais de la Porte Dorée, dans le XIIe

Magie du grand écran

Enfin, le fait de servir de décor permet aussi de revaloriser l’image de la banlieue, souvent peu visible. «Même si l’histoire est une dystopie, le fait de voir la banlieue française dans un blockbuster américain est positif, analyse Hervé Vieillard-Baron, auteur de Banlieues et périphéries. Des singularités françaises aux réalités mondiales et professeur émérite à l’Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense. Cela rend visible ce territoire et le fait exister dans un univers imaginaire de référence pour toute une génération.»

La nouvelle maire de Noisy-le-Grand, qui reconnaît pourtant avoir tardé à regarder le film, se réjouit néanmoins de la visibilité offerte à sa ville, située entre Disneyland Paris et la capitale. «Alors que le projet de mon prédécesseur était de détruire le bâtiment pour construire une tour, nous travaillons à revaloriser ce patrimoine, explique Brigitte Marsigny (Les Républicains). Ce film reconnaît la valeur architecturale de ce lieu et nous facilitera la tâche.» Une réhabilitation prévue dès 2016 qui pourrait être bienvenue pour les riverains… même si ces derniers ont déjà perdu leurs illusions sur l’utopie de Ricardo Bofill considérant l’architecture comme un moyen de changer une ville.


Article publié sur le site Slate.fr le 29 décembre 2015